TRAIL DE LA SAINTE VICTOIRE 2011 : des Aigles et des Escaravailles
La Saint Victoire surgit, on ne sait comment, du paysage de cette belle Provence. C'est une montagne lumineuse, qui balaie tout le ciel azur. Des parois verticales, des lapiazs en son sommet, du caillou et des rochers. Tout ce qui fait le charme de la montagne, concentré dans ce beau massif cher à Cézanne. C'est une montagne qui se laisse apprivoisée… mais pas domptée. Et les traceurs du Trail de la Sainte Victoire l'ont bien compris en proposant un parcours 2011 à tous points de vue unique.
Offrande de Dame Nature, la Sainte Victoire se présente tout à la fois généreuse et piégeuse. En faire tout le tour fut une vraie gageure. Toutes celles et tous ceux qui ont réussis à revenir dans les délais à Rousset méritent le respect qui leur est dû. La technicité de certains passages, la monotonie des pistes forestières, le final sur la route, les premières chaleurs d'avril… tout était réuni pour marquer cette édition 2011. Bien sûr, certains ont beaucoup souffert. D'autres ont été arrêtés par des barrières horaires beaucoup trop justes, tandis que plusieurs se sont laissés happés par le trophée des grimpeurs… et y ont brulé leurs ailes.
La Sainte Victoire est une épreuve superbe, qui doit être envisagée extrêmement bien préparé, car les défaillances peuvent anéantir les plus motivés. Ainsi, j'ai profité pleinement de ce parcours savamment élaboré. Par instant, je me suis senti comme un aigle, à frôler ces parois avec une délectation que seul le skyrunning sait offrir. D'autres fois, je me suis senti déshydraté par cet air si sec de Provence, comme un escaravaille (escaravay, scarabée en occitan, clin d'oeil à la 6666 d'Antoine Guillon, à laquelle je compte bien participer un jour).
Dans les ser(re)s du rapace
Un peu après 8h00, le départ du Trail de la Sainte Victoire est donné. Cette première section, jusqu'à Puyloubier, est un concentré de tout ce qui fait l'intérêt d'un trail (et que j'aime) : l'approche directe de la montagne, par un cheminement atypique et surprenant à chaque instant. Bien vite, nous voilà en effet dans la montée au refuge Baudino, suivi d'un beau balcon panoramique qui nous conduit vers le Clapier. De là, une montée sèche pour atteindre ce lieu dit, et quelle montée ! Les dalles rocheuses que nous escaladons sont magnifiques. Arrivés en haut, nous foulons une crête avec un panorama de toute beauté sur les Alpes. Difficile de ne pas s'emballer tant les sensations sont bonnes.
Mais le terrain incline à la prudence avec ces lapiazs acérés. Cet itinéraire se poursuit jusqu'au Col de Saint Ser. Là, nous quittons la crête pour une descente très technique, un travers dans les éboulis rocheux, puis une remontée sèche. Nous voilà dans ce Baou des Aigles. Un cadre de toute beauté. Je me régale dans toute cette section. D'autres coureurs… un peu moins. Nous poursuivons la progression pour rejoindre le Pic des Mouches. Je profite d'un petit arrêt à la table d'orientation pour admirer le panorama sur le Massif des Ecrins enneigé. Ensuite, c'est une belle descente pour atteindre le Col des Portes. Et ensuite, voilà qu'arrive ce que j'aime le moins : une longue piste DFCI. Je me mets dans un petit rythme pour la monter en courant, et me voilà fort réjouit lorsque je la quitte pour emprunter un joli sentier vers l'oratoire de Malivert.
La piste s'invite une nouvelle fois, mais je continue mon bonhomme de chemin. Les sensations sont excellentes. Ensuite, c'est la bascule dans la descente vers Puyloubier. Une descente comme je les aime, offrant une vue magnifique sur toute cette vallée. Mais vaut mieux prendre gare où l'on met les pieds, si on tient à finir entier. C'est encore une fois un régal. Je me modère et arrive donc assez frais à Puyloubier… me permettant même un petit détour dans le Village… n'ayant pas vu le petit escalier à prendre sur la droite. Je prends le temps de bien me ravitailler. Tout est là, en quantité généreuse. Je recharge en salé… et prend un petit rythme de sénateur sur la portion asphaltée (que j'exècre, comme d'habitude). La gentillesse des bénévoles, la courtoisie des habitants, la joie des enfants… tout concourt à rendre cette épreuve des plus agréables.
Un Escaravaille sur le rocher
Une fois la route quittée, me voilà donc à nouveau face à cette Sainte Victoire, à longer les vignes. J'ai beau scruter avec attention la montagne, je ne vois par la faille qui nous permettra d'atteindre le Col de Vauvenargues. Je me concentre tellement sur cette recherche, que je manque une rubalise et me retrouve un peu esseulé dans les vignes. Un bref demi-tour, et me voilà à nouveau sur le bon chemin. Faut dire que moi qui suis habitué au « directissime » (habitude partagée avec un certain Lémurien…), là, le traceur s'est amusé à nous faire découvrir le Vignoble de la Sainte Victoire ! Et en plus, il y a pas de grappes de raisins à glaner… ça frise le repris de justice ! Et bien voilà, le fameux chemin des justiciables se révèle bientôt à moi. Et il faut bien reconnaître que le morceau s'annonce costaud. A la différence du Clapier, la montée du Col de Vauvenargues est une trace très approximative parmi des rochers et les pierriers.
Les pas sont moins assurés, on passe dans la végétation basse qui griffe les mollets. C'est d'une difficulté tout autre ! C'est clair qu'il faut en avoir gardé sous le pied, sinon la peine est immédiate. Je progresse plutôt bien dans toute cette partie. L'environnement est assez grisant, avec une vue assez large sur les crêtes sommitales de la Sainte Victoire. Et surtout, tous ces encouragements. Bien sûr, ce n'est pas digne des « venga, venga » espagnols, mais ça fait vraiment plaisir. Le dernier sursaut est assez sévère. Dire que certains ont pris le pari de faire ce « trophée du meilleur grimpeur ». Quelle audace ! Je pointe au Col. Et bien, en quelques mètres de dénivelé, mon enthousiasme habituel en a pris un coup. Je me sens desséché. Pourtant, il y a de l'air. Pourtant, j'ai une casquette.
Mais qu'est ce qu'il fait sec. Même le vent est chaud ici. Je me suis pas mal déshydraté. Et pourtant, j'ai bien bu. J'aurai dû prendre une petite bouteille d'eau pour pouvoir m'asperger le visage et la nuque. Je suis comme ces scarabées en plein soleil. A deux pas de basculer dans une sale posture. Faut que je me ressaisisse. J'ai juste un mauvais moment à passer. Surtout, ne pas se déconcentrer dans la descente assez technique. Une fois à l'ombre, ça devrait aller mieux. Du coup, je fais cette portion assez tranquillement, respirant ces odeurs de Provence. C'est toute une gamme de parfums, tous plus enivrants les uns que les autres.
A chacun sa croix
Une fois arrivé en bas, je retrouve une piste. Je trottine bien sur ce terrain assez monotone. J'aspire à trouver un point d'eau… et bientôt, me voilà exaucé : il s'écoule, de ce côté ci de la Sainte Victoire, un petit ruisseau. Je me rafraichis le visage, je mouille la casquette. Quel soulagement. Ça me fait vraiment du bien. Je repars à un petit rythme direction Cabassols, où il y a un ravito en eau. L'accueil y est très chaleureux. Les bénévoles s'enquièrent de notre état. Faut dire qu'il fait désormais bien chaud. Je fais le plein de ma poche à eau. Il s'agit désormais d'affronter la dernière « grosse » montée du parcours (mais pas pour autant la dernière…). Je me fais pointer, puis je monte finalement assez tranquillement cette piste, qui alterne sections bétonnées et sections en terre. Le second pointage aura lieu au Pic du Moine, pas très loin du Prieuré.
Sincèrement, ça me semble bien long tout cela. L'idéal serait d'avoir un rythme plus soutenu… mais sachant tout ce qu'il reste à faire, je n'ai pas envie que « ma » Sainte Victoire se transforme en chemin de croix ou en calvaire. Ceux qui me connaissent (ou me lisent) savent très bien que je déteste les galères. Pas mal de randonneurs sont sur le versant de cette montagne, et leurs encouragements sont toujours bienvenus. Un traileur m'accompagne un bout de chemin, puis je le laisse filer, ne voulant pas me griller. Comme d'habitude, je reste à l'écoute de mes sensations. Et finalement, me voilà donc au Pic des Moines. Pointage, puis c'est une très belle descente panoramique pour contourner la Saint Victoire par son flanc opposé. Enfin, il est préférable de regarder où on marche et d'être vigilent quant à sa pose de pied… car c'est un terrain assez technique tout de même.
C'est le chemin dit Imoucha, qui offre une belle vue sur le Lac du Bimont en contre bas. Au niveau du barrage, un pointage, puis direction Roques Hautes pour un gros ravitaillement. Tout le long de la piste, encore de nombreux randonneurs. Un ravitaillement copieux qui fera beaucoup de bien aux organismes bien malmenés par ce parcours tout en extrêmes. Je refais le plein d'eau. Je me délecte de quartiers d'oranges. Puis je repars d'un bon rythme. Ça y est le passage « coup de moins bien » est passé. Je trouve l'endroit plus frais (ou plutôt moins desséchant !). Direction désormais le Refuge Cézanne. Et encore un petit verre d'eau.
Un final sans fin
Nous longeons les contreforts de la Sainte Victoire par un beau sentier. De nombreuses voies d'escalades révèlent le paradis de la varappe qu'est ce site décidément remarquable. La végétation est une nouvelle fois odorante et multicolore. C'est de toute beauté. Nous avions repéré cette section avec les amis la veille du trail. Donc, aucune surprise pour moi. Je savoure l'instant, me disant que bientôt… ça risque de me sembler long. Arrivé à un belvédère avec une Croix, il reste encore une courte montée, puis ce sera une belle descente technique, comme je les aime. Au croisement de la route, un nouveau point d'eau au niveau de la Maison de la Sainte Victoire. Les bénévoles sont toujours aux petits soins.
On va dire que c'est là que j'aurai aimé que le trail se termine. Pas tant que je sois épuisé (j'ai finalement assez bien géré mon effort), mais plutôt que je sais ce qu'il me reste à accomplir pour rejoindre Rousset ! Et sincèrement, ça ne me fait pas rêver. Une alternance de longues pistes sans caractère, de la route, encore des pistes… Et le pire, c'est que désormais, nous avons cette si belle Sainte Victoire… dans le dos ! Quelle monotonie. Du coup, faut se motiver pour avancer. Ce que je fais, mais avec un enthousiasme plus que modéré. Du coup, mon seul réel objectif, c'est de rentrer pour 17h ! J'alterne marche et course… et finalement, Rousset se rapproche petit à petit.
Force est de reconnaitre que là, je fais preuve d'une réelle lassitude. J'ai encore des jambes, la cylindrée est en état de marche, mais que c'est ennuyeux. C'est d'autant plus vrai que nous avons franchi des passages magnifiques sur ce trail… et là, je me trouve un peu dépourvu. Mais je pense que c'est le cas de nombreux coureurs. Du coup, j'avance correctement. Me voilà au panneau « Rousset 1 km ». Nous franchissons la route par un tunnel. Je marche dans le torrent des « eaux vives », ça fait du bien ! Me voilà sur les hauteurs de Rousset, puis je rentre dans cette charmante ville provençale.
Le plaisir du trail avant tout
Traversée de la place, où de nombreux badauds sont aux terrasses. Les enfants font du roller. Le dernier plan incliné, les boulistes m'encouragent. Tirer ou pointer ? Moi, je file en tout cas. Bientôt 9 heures de course depuis ce départ. Et j'en termine avec ce tour de la Sainte Victoire. Je suis encore surpris de ma relative forme, même si je me sens vraiment très « allégé » avec cette grosse perte d'eau. Les derniers mètres s'offrent à moi. Je franchis l'arche. Le foncier pour Zegama Aïzkorri (manche de la Coupe du Monde de Skyrunning) est fait ! Le trail de la Sainte Victoire est une épreuve exigeante, offrant des paysages sublimes. Il aura fallu faire preuve d'engagement et d'abnégation pour franchir cette arche d'arrivée. Un grand merci aux organisateurs, aux bénévoles, aux supporteurs pour cette belle journée sous le soleil de Provence. Le buffet de course est à l'image de l'organisation : généreux et audacieux.
Je me permettrai juste un point de vigilence. La difficulté du tracé ne doit pas tendre à exclure de nombreux adeptes du trail. La grande qualité de notre sport, c'est sa diversité. Son plus grand défaut serait l'élitisme. Le nombre de finishers témoigne cette année de la difficulté d'une épreuve, qui gagnerait, soit à partir plus tôt le matin (6h30 par exemple), soit à proposer, à l'instar de l'Ardéchois, l'option d'une seconde distance. Le choix de l'itinéraire à un aiguillage stratégique permettrait à un plus grand nombre de profiter pleinement du site de la Sainte Victoire dans de bonnes conditions.
En effet, dans un environnement aussi technique (plusieurs sections sont véritablement du skyrunning), certains se contenteraient d'un 40 km, pendant que d'autres, dont je fais partie, se font plaisir sur le format proposé (60 km et 3000 md+). Le toujours plus long, toujours plus difficile, n'est pas l'ami du bien. Il ne faut pas forcément s'incrire dans le diktat de la course aux points pour l'Utmb… au risque de laisser trop de traileurs au bord du chemin.
Ce trail de la Sainte Victoire est, intrinsèquement, l'un des plus beaux de France, tant par son circuit, son cadre, que sa superbe organisation. Je suis sûr que pour les 10 ans du Trail de la Sainte Victoire, les organisateurs proposeront des parcours d'anthologie permettant à chacun de vivre pleinement cette expérience de trail unique dans un massif sauvage et préservé. Et ce sera un plaisir d'y revenir pour une troisième participation. Bravo à tous et merci à Jako pour les encouragements et les photos, à Niko pour son très bon topo et ses conseils, à Pierre et Cath pour l'accueil et aux amis retrouvés lors de ce beau week-end au soleil. Je reviens de cette Provence enivré des images du Baou des Aigles, des senteurs du Thym… et des sourires illuminant les visages.
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