A chacun son sommet

A chacun son sommet

COURSE DU MONT CAMEROUN 2012 : l’Epreuve de toutes les Aventures

 

 

Mount Cameroon Race of Hope 2012 - La Course de l'Espoir

 Buea - Région Sud-Ouest - Cameroun

 


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La plus grande difficulté de cette course du Mont Cameroun, ce sont les africains qui en parlent le mieux. « Ici, le terrain court avec toi ». L’instabilité est permanente sur ces roches volcaniques. Aussi bien en montée, qu’en descente, les pierres roulent sous nos pas. Ce qui fait la beauté de cette course, c’est son approche. Un départ depuis Buea pour atteindre les flancs de ce volcan encore en activité, en passant par la forêt tropicale et la savane verticale. Ce qui rend unique cette course, c’est cette ferveur populaire, cette communion de tout un peuple pour ces « héros » qui partent à l’assaut de la montagne magique. La « Course de l’Espoir », c'est le Championnat du Cameroun de Course de Montagne.


Le Cameroun, c’est le pays de la débrouille. Ici, l’eau courante est un luxe. On monte à six dans les taxis (3 avant et 3 à l’arrière). Les enfants vont à pied à l’école habillés en costume et les habitations ressemblent plus à de petites cabanes. On mange tout simplement de bons mets délicieusement cuisinés avec trois fois rien. Les routes sont en plutôt mauvais état. On se connecte à internet à la vitesse d’un paresseux. La Guiness est la bière locale. Bref, c’est un autre monde. Où les repères et les priorités sont différents. Et si on ne veut pas lâchez prise, il suffit de prendre les choses comme elles viennent. Le sang-froid et le calme sont de rigueur si on souhaite profiter de son séjour dans de bonnes conditions.

 

La « Course de l’Espoir » est organisée par la Fédération Camerounaise d’Athlétisme, avec le soutien du Ministère des Sports et de l’Education Physique et de quelques sponsors. C’est une organisation très fragile, qui à nos yeux d’européens, semble presque irréelle et improbable. Déjà, le fait que l'épreuve en-elle même ait lieu est un des premiers obstacles à franchir. La date est confirmée au dernier moment. Et les fonds sont débloqués au dernier moment également. Tout se fait à l’arrache, à l’image des tribunes repeintes quelques heures avant le début de la cérémonie d’ouverture. Ici, rien ne semble imprévisible. Du coup, on s’attend à peu près à tout. Même à l’inimaginable.

 


 

Une course emblématique de l'Afrique

 

   

Le Mont Cameroun : le Char des Dieux

 

 

 

Unis dans l’espoir de courir


Et l’inimaginable, on l’a connu. En novembre 2011, la Fédération Camérounaise d'Athlétisme m'a contacté pour m'informé de l'édition 2012. Comme je n'avais pas les moyens de participer à nouveau cette année, suite aux aléas épiques de 2011 (Parlez-moi d'espoir), la FCA m'a fait un superbe cadeau en m'offrant mon billet d'avion. J'ai sollicité la même chose pour mon ami Niko. Le Secrétaire Général Adjoint a donné son accord, précisant qu'il devrait faire pression pour obtenir ce billet. En décembre, à la demande de la FCA qui cherchait deux athlètes de pays européens, nous avions trouvé un italien, Mau Scilla, et un espagnol, Samuel Sanchez, tous deux coureurs de montagne. Au total, nous devions donc être 4 à participer. Finalement, nous fûmes 3. Mau a décidé de laisser tomber à force d'attendre.

 

Et la FCA nous a envoyé deux billets d’avion pour trois la veille du départ, laissant Niko sans billet. Bien sûr, la solidarité entre nous a fonctionné. L'inverse était inconcevable pour moi. Chacun a payé une partie de ce troisième billet pour poursuivre l’aventure ensemble. Mais voilà, ça laisse un goût amer. Si la FCA n’a pas les fonds suffisants, qu’elle ne lance pas alors les invitations. Je sais que ce n’est pas simple l’Afrique, mais il y a certaines choses qui ne se font pas. Je me suis retrouvé personnellement engagé. A l'avenir, je serai plus prudent, car mon altruisme a trouvé là ses limites. J’avais explosé mon budget en 2011 avec tous les problèmes et voilà que cela recommence, à une moindre échelle, mais les dommages sont là. C’est source d'embarras entre nous et même de tension avec les proches. 

 

Pourtant, c'était avant tout de la générosité de ma part pour participer à une course mythique. Du point de vue de l’Afrique, « l’homme blanc a de l’argent », mais mettre des passionnés au pied du mur, ce n’est pas correct. Surtout lorsque quelques jours avant, tout se confirmait bien. Mais voilà, le budget alloué par le Ministère des Sports et de l'Education Physique est en drastique diminution, et les enveloppes ont été affectées au dernier moment. Le Secrétaire Général Adjoint en charge des athlètes étrangers n’a pas pu remplir ses engagements vis-à-vis des 10 coureurs étrangers invités. Pour autant, nous avons été très bien accueillis sur place. Cet épisode est l'un des aléas de cette « Race of Hope » qui restera avant tout une belle expérience partagée avec Niko, Samuel Sanchez et Rachid El Morabity.

 

 

Une célébration du sport et de la montagne

 

 

Plus de 500 participants à cette 17ème édition

 

 

  

La promesse du Char des Dieux


« Portes toi bien le blanc, venu de si loin pour gravir notre montagne ». Je me souviens de ces mots comme si c’était hier. C’était en 2011, lors de ma première participation à la Course de l’Espoir. Dans la descente du volcan, un coureur camerounais m’avait encouragé de ses sourires, essayant de me réconforter de ne pas avoir atteint le sommet du Fako. Je m’étais fait la promesse de revenir dans ce beau pays qu’est le Cameroun. Ce peuple, cette nature, ces rencontres. Et je souhaitais revivre cette Course de l'Espoir. Une vraie course de montagne, avec son histoire, ses records, ses drames. J’ai eu cette chance de participer à deux reprises à cette épreuve unique.


Samedi 18 février 2012, vers 7h, nous voilà réunis tous au Stade Molyko de Buea, au pied du Mont Cameroun. Au total, près de 500 coureurs et coureuses vont prendre part à cette 17ème édition. En solo ou en relais. Seniors, vétérans et juniors. Nous avons tous un bracelet à notre poignet. Le sésame indispensable pour prendre le départ. La veille, j’étais venu sur ce même stade pour voir la cérémonie d’ouverture. Encore une expérience à vivre, pour nous, européens. Défilé des nations avec des athlètes locaux, bénédiction de la course par la chefferie, discours officiels, groupes de musiques traditionnelles… la Course de l’Espoir est un évènement sportif, culturel, populaire et politique. 


Cette année marque le 50ème anniversaire de la Réunification du Cameroun. La Course de l’Espoir est à l’image de ce Pays. Une confrontation entre des athlètes issus des 10 régions du Cameroun. Une ode au courage et au dépassement. On sent bien le poids qui repose sur chacun des participants camerounais. Un peu comme les précurseurs de la Diagonale des Fous, il s'agit ici de défendre son honneur. Le Mont Cameroun est un symbole pour tout le pays. C’est une montagne magique, à la fois magnifiée et crainte. D’ailleurs, quelques jours avant l’évènement, de faibles secousses sismiques sur le volcan et deux explosions ont provoqué des peurs dans la région de Buea et la tenue de l’épreuve a été hypothéquée.

 


 

Un Ultra-Vertical de plus de 3000 m positif sur un volcan

 

 

 Des conditions météo extrêmes 

 


 

Les neiges du Fako 

 

Les 7 premiers kilomètres de la course sont sur la route asphaltée, entre le stade et la prison. La vitesse des premiers est impressionnante. Tout le long de la route, de part et d’autre, les habitants de Buea sont là, à encourager de tout cœur. C’est très impressionnant à voir. Les « courage white man » sont nombreux et chaleureux. Les camerounais sont fiers que des étrangers viennent participer à leur course. D’ailleurs, avant le départ, beaucoup se font prendre en photo avec des blancs. Cette première partie de la course est piégeuse, car on a tendance à vite s’emballer. Mais la pente s’accentue bien vite à l’approche de la forêt tropicale. Nous sommes en forêt jusqu’à 2000 m environ (soit 12 km de course).


Très vite, nous entrons dans le Parc National du Mont Cameroun, puis nous atteignons le premier refuge à 1850 m. Tout au long du parcours, l’eau est proposée en quantité. Mais cette année, il ne fait pas particulièrement très chaud. D’ailleurs, à la sortie de la forêt, il commence même à pleuvoir et un vent frais se lève. Nous n’allons pas avoir bien chaud. J’enfile un coupe vent et me voilà à l’assaut d’un mur vertical qui conduit au deuxième refuge à  2850 m. La pente est assez forte sur cette section. Devant moi, une file de coureurs. Et pareil derrière. Je ressens un peu l’altitude, mais tout va bien. Je progresse à un bon rythme. En me retournant, je vois l’océan atlantique, ainsi que la ville de Buea. Puis me voilà au refuge. Les encouragements sont nombreux.

 

Je repars et bientôt, je croise Niko qui descend. Il a l’air frigorifié. On échange quelques mots… puis je poursuis. Le temps devient glacial, il tombe même de la neige fondue... au Cameroun ! J’ai les doigts glacés, je ne peux même plus prendre de photos. Je ne m'attendais pas à un tel climat. J'avais même mis de la crême solaire pour ne pas bruler comme l'an passé. Quel changement ! Je pense aux images du DVD Volcanic Sprint. Samuel redescend et m’encourage. Il est pétrifié par le froid. Je continue jusqu’au refuge 3, à 3750 m. Là, les pointeurs me contrôlent et me remettent un macaron rubis signifiant que j’ai atteint le but de la Course. Pour cause de météo exécrable, il est trop dangereux de faire le sommet.

 


 

De belles rencontres, promesses de nouvelles aventures

 

 

Pilou, Niko, Rachid, Philip et Samuel en compagnie des dirigeants de la FCA

 

 

Le courage et la volonté des coureurs camerounais


Contrairement à l’an passé, je comprends parfaitement la décision, et en tant que montagnard, je l’approuve même. Le brouillard rend la visibilté médiocre et il serait imprudent de poursuivre dans de telles conditions. En plus, il n'y a rien à voir. Tout est bouché. Et même si je suis un peu équipé avec ce coupe vent (mais sans bonnet, ni gant), je souffre de ce froid glacial. Les coureurs camerounais sont en tee-shirts manches courtes. Certains titubent et trébuchent. Ils tremblent de tout leur corps. Des images que je n’oublierais pas. Ces coureurs ont une volonté dont beaucoup pourraient s’inspirer. Et pourtant, pas de complainte. C’est la montagne magique qui en a décidé ainsi. Les camerounais sont très respectueux des traditions et des croyances.


J’entreprends ensuite la descente, laissant le sommet derrière moi. Ce ne sera donc pas pour cette fois non plus. Décidemment, le Fako est difficile à atteindre pour moi. Reste donc à rejoindre la forêt tropicale. La descente jusqu’au refuge 2 se fait avec prudence sur ces roches volcaniques qui roulent sous les pas. Des roches noires qui rapent et déchirent la peau si on tombe. Je prends mon temps sur cette portion. Quelques camerounais m’accompagnent et on échange deux trois mots d'encouragement. Je passe le refuge 2, puis c’est ce véritable mur vertical à descendre. Dire que j’ai monté tout ça. Quel entraînement en ce début de saison. Rien de tel que la Course du Fako pour faire du bien pentu ! Une fois à l’orée de la forêt, le terrain se fait plus facile.


Dans la forêt, je mets le turbo et je me régale à courir et sauter entre les branches et les racines. Je croise des camerounais qui m’encouragent. Je quitte la forêt pour rejoindre la prison. Il reste donc un peu moins de 7 km pour arriver au stade. J’ai de bonnes jambes et je remonte des coureurs épuisés. Beaucoup d’habitants sont sur le bord de la route et les encouragements sont toujours nombreux pour le « white man ». Les kilomètres défilent et j’aperçois le stade. Je franchis l’arche et je pénètre dans le stade. C’est vraiment la fête. Contrairement à l'an passé, il y a beaucoup de monde. Je profite réellement de l'ambiance. Samuel et Niko sont là. Ils m’accueillent. Voilà, je termine ma Course de l’Espoir. Et je suis content d’avoir eu cette chance. Merci à tous.

 

 

Un univers de roches volcaniques

 

 

L' hospitalité et la chaleur des camerounais

 

 

Reine des Bakweris, écorce magique et vélocité dynamique


Le suspense aura duré jusqu’à la veille de la course. Sarah Etongue, la Reine du Fako, participera-t-elle à cette édition 2012 ? Mère de 7 enfants, Sarah est une icône de Buea avec ses 7 victoires, dont 4 consécutives. C’est la femme la plus titrée de l’histoire de la Course de l’Espoir. Mais son statut est remis en cause cette année par Yvonne Ngwaya, qui a remporté les 3 éditions précédentes. Après une retraite de 4 années, Sarah Etongue sera finalement battue. La Reine des Bakweris vacille. La quête de la gloire, c’est aussi une des principales motivations des coureurs camerounais sur cette « Race of Hope ».  Et je l’ai entendu ce nom « Sarah » scandé par une foule digne d’un Tour de France.


L’écorce magique, voilà le secret de certains prétendants au Char des Dieux. Des concoctions élaborées à partir d’écorces d’arbres centenaires. L’histoire de la Course de l’Espoir est empreinte de toutes ces anecdotes qui font parfois sourire, mais qui peuvent virer au drame. Le dernier mort sur cette épreuve fut justement un coureur camerounais qui s’était administré un breuvage à base d’écorces. Il a tellement plané… qu’il en est mort sur la montagne. Du « dopage traditionnel » qui aboutit, finalement, aux mêmes résultats que pour certains de nos athlètes dopés : la mort. Mais de toute façon, même le meilleur athlète dopé, s’il ne maitrise pas le terrain, n’a aucune chance de remporter le titre.

 

Avec Rachid El Morabity, coureur marocain d’une grande gentillesse et d’un excellent niveau (Vainqueur du Marathon des Sables et de l’Ultra Toubkal 2011), nous avons bien apprécié les explications laconiques d’un camerounais local. Il nous a démontré sa théorie de la « vélocité dynamique ». Indispensable pour bien descendre le Fako. Si tu descends trop vite, tu risques le vol plané. Si tu descends trop lentement, tu risques de tomber en arrière. Il faut donc faire preuve « d’équilibre en mouvement » pour courir sur des pierres qui roulent. Du bon sens en fait. Moi, j’ai opté pour la marche sur les sections les plus exposées. Et je suis rentré entier, malgré quelques chutes. Ce qui est déjà une performance en soi. 

 

 

Un dépaysement total pour une épreuve hors normes 

 

 

Un retour simple à nos valeurs du sport

 

 

  

Parlez-moi d'espoir : mon reportage de 2011

 

Encore une belle aventure partagée

Nikoverdosedetrail - Tierra de Aventura

Afrik.com : La fête était belle



21/02/2012
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