Un été 2010 inoubliable dans les Pyrénées et les Alpes
Chacun a ses aspirations, ses envies, ses motivations. Moi, j’aime passer mon été dans les montagnes. J’aime la diversité des paysages et des cultures, j’aime marcher et courir en montagne. Et ça, depuis que je suis tout petit. Du coup, on ne se refait pas – et cette année 2010 est à marquer d’une pierre blanche. Trois semaines en montagne, dans les Pyrénées, puis dans les Alpes.
Je n’ai jamais opposé les « pyrénéens » et les « alpins ». Du coup, je savoure chaque instant passé dans ces montagnes, en m’attachant à préserver les valeurs les plus importantes à mes yeux : le respect, l’engagement et l’humilité. Et la montagne est un formidable révélateur des caractères de chacun. Dans ces lieux si enchanteurs, mais aussi si dangereux, les liens qui nous unissent dans notre passion se renforcent chaque jour que nous donne la montagne, ou alors se cassent irrémédiablement, si certaines valeurs sont bafouées. La montagne est à l’image d’une cordée : unie dans l’effort, dans le doute, dans la réussite, comme dans l’échec.
La Traversée des Pyrénées, puis la Traversée Chamonix-Zermatt, ont pour moi été de grands moments, dont je ressors une nouvelle fois grandi. Comme les sommets que nous atteignons ensemble, ces moments passés en montagne renforcent notre capacité à mieux appréhender les aléas de la vie. Ils sont sources de motivation et d'apaisement. Ils alimentent cette petite boîte à trésors que nous rouvrons entre amis.
La dernière semaine de juillet, j’étais donc dans les Pyrénées, pour réaliser le fabuleux projet de Nicolas Darmaillacq : traverser les Pyrénées en courant. Une aventure dont j’ai déjà beaucoup parlé ici. Un projet qui a fédéré beaucoup de monde, beaucoup de passionnés. Même si Niko a dû arrêter sur blessure, le projet collectif a dépassé toutes mes (nos) attentes. Nous avons vécu une semaine intense et inoubliable. Un grand merci à toi, Niko, pour nous avoir fait vivre une telle expérience. Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués, nous ont soutenus. Une vraie équipe est née : la Lemur Team. J’ai été impressionné par la disponibilité et l’enthousiasme de tous. Cette envie d’être toujours « positif », malgré les difficultés. Cette volonté de poursuivre un projet malgré la blessure de Niko.
La première quinzaine d’août, j’étais donc en Suisse, pour une rando-course. L’objectif était de relier Chamonix à Zermatt, en passant pas certains des plus beaux endroits des Alpes. Les conditions météorologiques ne nous ont pas été favorables et – justement – cela a permis de découvrir la montagne sous un aspect que nous oublions facilement, en l’idéalisant : sa dangerosité. J’ai dû neutraliser une section à cause de la neige et du blizzard, mais nous sommes arrivés à bon port. Nous avons vécus des moments intenses et forts qui nous ont tous marqués, ponctués par la participation à la course Sierre-Zinal. J’en ressors avec une vilaine blessure au tibia (ouverture jusqu’à l’os) et en ayant perdu un de mes meilleurs amis (pas physiquement, je vous rassure). La montagne est un lieu et un lien. Et c’est pourquoi je l’aime tant et que je continue à vous faire partager ces moments inoubliables.
5h30 ce samedi 24 juillet. Banyuls sur Mer. Le voilà ce moment tant attendu (et préparé) depuis de nombreux mois ! Je suis là, sur la plage, comme unique témoin de ce départ. Niko est accompagné de Didier, un gars qui nous avait contactés par l'intermédiaire du blog pour partager cette aventure. Un passionné tout comme nous. Une superbe rencontre, comme il y en aura de nombreuses sur cette traversée. Le lever du jour sur la Méditerranée est de toute beauté. La journée défile à toute vitesse. Avec Jako et Guillaume, nous assurons l'assistance. C'est grisant, c'est formidable à vivre !
Tout a été préparé dans les moindres détailles... pour parer l'imprévu ! Car sur un projet de cette envergure, il y en aura. Comme celui de tomber en rade d'essence à Batère. Mais nous avons eu des aides précieuses, des gens au coeur gros comme ça. Pas facile de tous les citer, mais un immense merci à Claude et à Dany pour votre générosité de tous les instants, à Jean-Marc et Annie. En ces terres catalanes, Stéphane a été le compagnon d'aventure de Nicolas. Une étape de titan... avec le passage au Sommet du Canigou ! Et pendant ce temps, Jako devient un as de la conduite du Camping Car en montagne. Quelle sacrée équipée !
Faire partager cette aventure, c'était le souhait de Niko dès le départ : avec les proches, avec les amis... mais aussi avec tous les passionnés de montagne et de trail. La page GeoFp permettait un beau suivi live grâce à la balise (merci Simon). Et la page FaceBook a dépassé les 600 amis et atteint près de 5000 visites la semaine de la Traversée, en grande partie avec l'aide de Romain Basset qui relayait nos interventions en direct. Et ces échanges grâce aux forums et aux blogs nous ont permis de récolter de précieux conseils pour la préparation. Sur l'étape 3, les andorrans ont été d'une aide exceptionnelle. Un immense merci à Valérie, Gérard, organisateurs de l'Andorra Ultra Trail, à Raul et son père, ainsi que tous les coureurs si sympas.
J'ai accompagné Nicolas sur les 15 derniers km de la troisième étape, ainsi que les 20 km de la quatrième étape. Dès le soir de la deuxième étape, Niko était préoccupé par un échauffement de son talon d'Achille gauche. La blessure s'est aggravée. Nous n'avions pas les moyens d'avoir une assistance médicale, et pourtant, c'était indispensable. L'inéluctable s'est produit : tout le pied gauche a gonflé. Le soir de la troisième étape, à Areu, en Espagne, nous ne savions pas quoi faire. Nous avons suivi les précieux conseils de Dave, mais le mal était trop installé. Le lendemain, Niko a du se résoudre à s'arrêter. Il souffrait le calvaire. Ce fut un vrai déchirement d'accompagner un ami dans de telles circonstances. Mais mettre un point d'arrêt fut une délivrance. Il ne faut pas endurer le mal pour le mal. Surtout que les conséquences peuvent être désastreuses. Savoir écouter son corps et le respecter est la force des meilleurs.
Niko me l'avait dit : la Lemur Team fera la Traversée des Pyrénées. Du coup, il est passé de l'autre côté : dans l'assistance. Ainsi, ses amis ont fait des sections des étapes prévues, les plus belles va sans dire ! Et avec quel traceur ! J'ai donc commencé en poursuivant l'étape 4, par la magnifique région des Enchantées. Mais pour être sincère, je n'en ai pas profité. Le coeur n'y était pas. Nous avions tellement rêvé de cette étape avec Niko. Nous la connaissions sur carte et même en 3D. Et moi, je me suis retrouvé bien esseulé. Du coup, je n'avais pas trop de jambes, mais j'ai quand même fait une belle traversée de 35 km et je suis arrivé à la tombée de la nuit au bivouac... créant bien involontairement des inquiétudes au sein de la Lemur Team (cause portable HS).
Pour la Traversée Cirque de Pineta - Cirque de Gavarnie, j'ai eu deux compères de choix : le Xteph et Fifi. Et nous avons passé une formidable journée en montagne. Une des plus belles que j'ai pu connaître dans ma vie de montagnard. Un temps exceptionnel et des paysages d'une extrême beauté. Le Col d'Aniscle nous a offert une sacrée montée... pour un panorama grandiose sur le Mont Perdu. S'en est suivi un itinéraire aérien pour atteindre les contreforts de cette magnifique montagne... et poursuivre notre chemin en direction de la Brèche de Roland. Nous avons choisi une belle trace à droite de la brèche et nous voilà à nouveau en France de la plus belle des manières ! Gavarnie s'offre à nous.
Jean-Pierre, puis Jean-Marc, Alex, Lukas... et tous les autres sont venus partagés ces moments dans les Pyrénées. Ils ont porté haut les couleurs de cette Lemur Team. Chacun a pu profiter du travail de préparation de cette traversée et de la super logistique assurée par toute l'assistance. Chaque jour, une belle rando de 25 à 35 km. Chaque jour, des yeux remplis de bonheur et de fatigue. Et des bivouacs mémorables. Le plaisir d'être tous ensemble en montagne, avec les amis et les proches. Un Roi Carotte en pleine forme : "c'est moche ici, y'a des rochers et des rats (marmottes) partout !!!" Le jeudi soir, nous fêtons l'anniversaire de Guillaume, le frangin de Niko (et un pilier de la Lemur Team).
La semaine défile... nous voilà dans les terres du Clan Darmaillacq : le Béarn et le Pic du Midi d'Ossau. Encore une bonne rando-course. Cette fois avec Caillou et le Roi Carotte. J'ai les jambes... et nous nous faisons vraiment plaisir à courir dans ces beaux sentiers ! De nombreux Lacs avec des images magnifiques. Nous rejoignons tous les membres de la Lemur Team au niveau du Chemin de la Mature (un impressionnant cheminement taillé par l'homme dans les parois rocheuses). C'est sûr, nous profitons au maximum de ces montagnes. Niko est heureux, c'est clair. Mais je le sens très mélancolique et je sais qu'il souffre en silence. Physiquement et en son for intérieur. C'est clair que ça doit être dur par moment. Heureusement, tous les amis sont là et ses deux petites femmes aussi.
Samedi 31 juillet : déjà le 8ème jour. L'apothéose de l'esprit de la Lemur Team, avec un repas dans la Vallée des Aldudes, au cayolar de Christian. Entre temps, certains auront fait une sacrée belle sortie, notamment dans les lapiazs de Belagua, pendant que les autres auront pris le frais dans les Gorges de la Kakuetta. Niko nous a tracé un superbe parcours entre le Cirque de Lescun et ces Gorges. Le dimanche, Maider nous accueille pour un petit pot de clôture de cette belle semaine, à Ascain. Bien sûr, il y a un pincement au coeur. Mais surtout, il y a l'aboutissement d'un formidable projet collectif. Avec un tel état d'esprit, la Lemur Team a de bien beaux jours à vivre.
Dès la fin la Traversée des Pyrénées, me voilà avec de nouveaux compères dans les Alpes. Le mardi 3 août, nous entamons en effet la rando-course Chamonix-Zermatt, que j'organise (topo prévisionnel ici). Pour cette première étape, nous optons pour le Tracé B : la montée directe au Buet, sans passer par le Désert de Platé. Le temps est médiocre et ce premier 3000 sera suffisant. Dommage pour le panorama qui est habituellement grandiose au sommet de ce "Mont-Blanc des Dames". Je ne sais si c'est le mauvais temps, mais en tout cas, je ne me "sens" pas encore dans les Alpes. Je crois que sincèrement, on ne ressors pas indemne d'une telle aventure dans les Pyrénées. Je suis encore un peu dans mes songes et il me faut un peu de temps pour passer à un autre périple.
Dès la deuxième étape, me voilà dans un univers que j'affectionne : la chaîne du Mont Blanc, ses panoramas à 360 degrés. Nous allons rejoindre la Suisse en passant par Trient, puis Champex par la Fenêtre d'Arpette. Le temps est superbe et toute la petite équipe est d'humeur joyeuse. Heureusement, car le programme est assez relevé pour rejoindre Zermatt. Nous allons emprunter des itinéraires de haute montagne et la fenêtre météo ne sera malheureusement pas aussi bonne que dans les Pyrénées. Marie est heureuse car c'est la première fois qu'elle contemple le Lac de Champex de jour (elle y arrive habituellement de nuit pendant l'UTMB).
La Fouly, Bourg Saint Pierre, le Col du Grand Saint Bernard... nous franchissons des lieux assez mythiques pour les "Alpins". En fait, j'ai tracé cette Chamonix-Zermatt par un itinéraire "à mi-côteaux", évitant les passages de glacier, et donc le portage du matériel spécifique haute montagne. Du coup, il ne s'agit pas de la "Haute Route", même si nous avons plusieurs passages à plus de 3000 m. L'objectif est bien de découvir les plus endroits du valais suisse... quand les nuages dévoilent les montagnes ! Mais comme la Suisse recèle de nombreuses merveilles, il y a toujours à voir, même quand il ne fait pas beau.
Nous avons pu découvir de formidables champs d'edelweiss, et une ambiance très hivernale à 2000 m d'altitude dans les alpages de la Fouly. Après la traversée des Mont Tellier, nous avons franchi une zone d'éboulis rocheux, juste avant les Lacs de Fenêtre. J'ai songé à ce moment là que quelqu'un pourrait tomber et se blesser... et c'est ce qui m'est arrivé à la seconde même. Quand on dit qu'il faut toujours être vigilant en montagne ! Une bonne ouverture sur l'avant du tibia gauche, qui aurait mérité des points en temps normal. Le buff de la Traversée des Pyrénées a démontré une nouvelle utilité pour m'entourer le mollet. Nous avons franchi le Col du Grand Saint Bernard sous le blizzard... en prenant le temps de nous réchauffer avec un bon chocolat chaud.
La neige en altitude m'a obligé à neutraliser une petite section entre Fionnay et Arola... et nous sommes donc passés par la Vallée en train, bus et voiture. Il aurait été très imprudent de s'aventurer vers le Col de Prafleuri avec la neige et le plafond si bas. Et nous ne pouvions pas faire une journée de repos... pour cause de course de Sierre-Zinal le dimanche 8 août ! Une des plus anciennes courses de montagne (37ème édition). Du coup, l'étape du samedi (veille de la course) a fait 40 km... ce qui fait un bon petit entrainement ! Me concernant, la course s'est super bien passée. Un départ assez prudent... et j'ai passé mon temps à remonter pour terminer en 3h48 (31 km et 2200 md+)... mais à 1h10 de Kilian Jornet quand même !!! c'est un monstre ce gars !! mais un monstre tellement sympathique !
Pour rejoindre Zermatt, nous avons emprunter un bel itinéraire, nous conduisant à Grüben pour un bivouac, puis à Topalihütte, en passant par Wasulicke (un col à 3114 m). Ce fut une première pour Christian, qui était aux anges. Nous sommes passés aux pieds du Weishorn, une magnifique montagne. Une trace assez aérienne, aux frontières de la haute montagne. Nous voilà au coeur de la Vallée de Zermatt, parmi certains des plus beaux 4000 du Valais. Et encore, le clou du spectacle se trouve en fond de Vallée, avec le Cervin, mais aussi le Mont Rose, le Lyskam, le Breithorn, Castor et Pollux... et tous ces sommets magnifiques.
Comme la météo n'était pas très clémente, le bivouac envisagé à Riefelsee (à 2300 m tout de même), n'a pas pu avoir lieu... et nous étions mieux au Camping de Randa ! Avec Christian, nous sommes allés à Hornlihütte, le Refuge du Cervin. Un bon accueil et une belle ambiance dans ce refuge. C'est toujours grisant de voir toutes ces photos d'époque, de regarder les cartes, de lire les topos. C'est sûr, le Cervin, ça fait rêver ! Et en plus, en étant si proche, près de la Vierge Noire, il semble finalement accessible.
La vire des Chamois... et des bouquetins ! C'est parfois vers ces animaux que je tendrais à muter. J'aime leur agilité, leur beauté sauvage. Ils sont attentifs et curieux de nos moindres gestes. C'est un plaisir évident de les découvir ainsi, en milieu naturel. On me dit toujours : "mais en courant, vous ne voyez rien !!!". Bien au contraire. En progressant vite en montagne, on arrive à saisir des instants magiques. Et les journées se transforment en de véritables voyages. Pendant ces trois semaines en montagnes, j'ai vu - et vécu - tellement de choses... qu'il m'aurait au moins fallu trois mois en temps normal. Courir et découvrir, c'est le leitmotiv de Philippe Delachenal, rencontré à Argentière, avec Sylvain Bazin, sur la Grande Traversée des Alpes. C'est aussi le mien !
Quelques photos, quelques mots... sur le vif.
Traversée des Pyrénées - 24 juillet au 1er août 2010 - Chamonix Zermatt - 3 au 15 août 2010
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