TRAIL DU GRAND VIGNOBLE 2010 contre la SLA

On achève bien les chevaux

L'effet papillon. Ou comment des actions toutes simples peuvent se démultiplier et faire naître de bien belles choses. Plus de 400 traileurs et randonneurs ont pris part à cette première édition du Trail du Grand Vignoble près de Bergerac en Dordogne. De bons moments de sport, d'amitié et de solidarité. Les bénéfices de ce week-end iront alimenter les ressources de l'Association « les Papillons de Charcot ». Dans un seul objectif : celui de combattre la SLA. De la faire connaître… pour mieux la vaincre. D'entretenir l'espoir qu'un jour, cette saloperie sera réduite à néant. Que des fonds financent les recherches nécessaires à la mise en œuvre d'un traitement.

Le Trail du Grand Vignoble fut une épreuve magnifique. Organisé pour des traileurs et par des traileurs, en 4 mois seulement. Jean Marc, Jérémy et Frédéric ont su fédérer l'enthousiasme de toute une équipe pour monter ce trail, en l'honneur de leur ami, Thierry (voir mon article : Dans les Terres du Roi Carotte). « On achève bien les chevaux », volontairement provocant, est une référence au magnifique roman, baigné d'humour noir, d'Horace McCoy (They shoot horses, don't they ?). Alors, le handicap, l'anormalité, la maladie ? Qu'en fait-on ? On les cache ? On les isole ? On les oublie ? Thierry est un sportif aimant la vie. Un jour pourtant, sa vie a basculé, par un simple diagnostic se résumant en 3 lettres : SLA. Et tous ses proches se sont trouvés brutalement face à celle réalité.

Une prison de soi

Chaque jour en France, trois à quatre personnes sont condamnées à mort. Chaque jour en France, trois à quatre personnes apprennent qu'elles ont la SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique), une maladie méconnue et à ce jour incurable. La SLA, aussi appelée en France maladie de Charcot - du nom du neurologue qui l'a décrite pour la première fois en 1869 - est une grave affection qui se caractérise par une dégénérescence (mort cellulaire) systématisée des motoneurones, les cellules nerveuses qui commandent les muscles volontaires. Concrètement, la personne atteinte se retrouve graduellement paralysée des quatre membres, perd l'usage de la parole, ne peut plus s'alimenter et enfin, respirer sans assistance, mais garde généralement des facultés intellectuelles parfaitement intactes.

Elle se retrouve donc, à terme, consciemment prisonnière de son corps, complètement dépendante de son entourage et incapable de communiquer, alors qu'elle est le plus souvent parfaitement lucide tout au long de la progression de la maladie. C'est une affection mortelle : le décès est dû, dans la grande majorité des cas, à un trouble respiratoire, aggravé par une surinfection bronchique. Et ce qui est pire que tout, c'est d'être condamné à une indifférence, un isolement social et une absence d'espoir insupportables. Injuste et dramatique. Indigne de notre société. A l'opposé de notre conception de la vie, faite d'échanges, de rencontres et de partage.

La force de l'amitié

La tempête Xynthia a bien failli battre en brèche l'organisation du Trail du Grand Vignoble. Jean-Marc, Fred, Jérémy et toute leur équipe se sont mobilisés pour que l'épreuve se déroule pour le mieux. Leur abnégation mérite un grand gros coup de chapeau… d'autant qu'il y avait pas mal de vents contraires en ces terres bergeracoises. L'esprit trail a vaincu les frilosités de certains, qui avaient décidé unilatéralement l'annulation de l'épreuve, sans concertation et sans décision préfectorale. Sauf que là, nous ne sommes ni dans la justification, ni dans l'excuse. Pour de telles causes, il faut savoir faire acte de courage. Dans ses engagements, dans ses actions. C'est tellement facile de baisser les bras. Et pour les Papillons de Charcot, pour Thierry, pour toute cette énergie déployée… on n'a pas le droit d'anéantir le moindre espoir. On achève bien les chevaux. Oui. Mais pas cette fois.

Laissons encore un peu de temps. Profitons de chaque instant. Les propos du représentant des Papillons de Charcot, juste avant le départ du Trail, m'ont émus jusqu'aux larmes. Tous s'étaient impliqués, en un temps record, pour l'organisation de ce trail. Les bénévoles, les partenaires, les collectivités, les coureurs… tout le monde fut au rendez-vous. Les amis venus parfois de loin étaient là. Martxel, Christine, Claude, Enrique, Sébastien, Fabrice, Caillou, Sylvain, Rémi… mais également les familles. C'était l'anniversaire de mon filleul. Passionné d'équitation, Thomas se souviendra longtemps de cette journée au Grand Vignoble.

Une cavalcade en Dordogne

Tous dans le Grand Manège du Centre Equestre du Grand Vignoble. Nous voilà pour une belle sortie entre copains. Fifi, le Lémurien, Martxel, Sylvain et moi. Tous au départ… et à l'arrivée de ce beau parcours de 23 km. Paysages et demeures de caractère. Petites bosses et sous bois. Un vrai bonheur à partager. Devant, Seb, Claude, Remi et Enrique sont venu pour faire la course. Et bien leur en a pris, car tous en ont profité. Pour de bien belles places. Avec Fifi le Basque et Niko, nous partons ensemble. Après quelques kilomètres roulants, nous voilà sur la première bosse. Sans nous en rendre compte, nous lâchons notre Fifi, qui manque d'entraînement. Situation analogue à mon acolyte, Niko, qui reprend juste la course à pied après un mois complet d'arrêt, faute à une déchirure musculaire au mollet. Niko se rassure et se fait plaisir. On achève bien les traileurs, non ? Niko est le parrain de l'épreuve.

D'aucun, de part son statut, aurait préféré la position de spectateur, plutôt que d'être dans la masse. Pas notre Lémurien. Son classement, il s'en fout. L'essentiel, c'est de partager. A l'origine, nous devions justement faire le 10 km en joëlette. Avec et pour Thierry. Mais finalement, il fut préférable d'éviter cette sortie en joëlette, à cause de l'humidité pour Thierry (et un risque de bronchite). Du coup, avec Niko, nous avons fait un bon bout de chemin ensemble. A discuter des projets de trails et de rando-courses, à prendre des photos. Avec des supportrices de choc sur le parcours, dont une puce de 3 ans rayonnante de bonheur (et de malice) à chaque fois. Merci beaucoup les filles.

La grande famille du trail

A mi-parcours, nous voilà face une situation impromptue. Un cheval est coincé dans une petite rivière. Il faisait l'ouverture de la course avec son cavalier et malheureusement, il s'est embourbé. Le pauvre cheval commence à fatiguer. Martxel et Sylvain sont là, avec d'autres coureurs. Tous s'affairent pour aider le cavalier à sortir son cheval. Quelques coureurs poursuivent leur épreuve sans sourciller. Faudrait pas perdre une seconde sur le chrono ! Nous prêtons main forte et avec l'énergie de tous, le cheval sort de son piège. Martxel et Sylvain ont passé 5 mn dans de l'eau glaciale. Pour autant, les sourires n'ont pas quitté leurs visages. Nous repartons tous ensemble. C'est ça l'esprit trail. L'esprit que l'on retrouve en montagne également. Savoir se préoccuper de l'autre. Ne pas penser qu'à soi. C'est dans ce genre de situation, à la vue du comportement de certaines personnes, que l'on saisit bien vite à qui on a affaire.

Comme le dit Niko : « les amis de mes amis sont mes amis ». Ce trail fut une grande fête de l'amitié, des instants à provoquer, à entretenir et à partager. A l'année prochaine pour la deuxième édition du Trail du Grand Vignoble. Bravo Jean-Marc, tu avais placé la barre haute. Tu as su surmonter toutes les difficultés et franchir les (nombreux) obstacles, un à un. Et nous relèverons le challenge en 2011, pour faire vibrer ce bel état d'esprit et agrandir la famille du Trail à Saint Julien de Crempse. A l'image de l'implication d'Alex et Lukas dans cette organisation. Des rejetons dignes de leurs pères, fils d'Ariane d'une sacrée équipe de bénévoles. Le Roi Carotte peut être fier de ses disciples. Toute mon admiration pour Manuéla, l'épouse de Thierry, pour sa dignité et son engagement pour aller toujours de l'avant.