PYRENEES EXPE TRAIL 08 : Genèse d'un ultra
En ce mois de juillet, la région du Lac d'Oô à proximité de Bagnères-de-Luchon, dans les Pyrénées, a accueilli un groupe de baroudeurs, venus de plusieurs régions de France, dans un but ultime : tester le nouveau concept de trail et d'expé proposé par GIPSport Aventure, le Pyrénées Expé Trail (détails ici). 7 équipes de 3 au départ de ce périple par étapes de 137 km et 15 000 md+. Sur le papier, ça semblait déjà monstrueux. Sur le terrain, la Nature a rappelé à l'ordre cette ambition, et nous avons donc fait des étapes plus réalistes. Au final, 2 équipes ont bouclé l'ensemble du parcours : les « noirs » et les « jaunes ».
Nous avons beaucoup appris pendant toute cette semaine « grandeur nature », et nous y avons pris beaucoup de plaisir. Cela restera pour moi une expérience extraordinaire, car jamais je n'avais vécu une immersion si forte au sein d'un groupe qui partage la passion de la nature et de la montagne.
Bien sûr, dans la création d'un nouveau concept, il y a des incertitudes, des points inconnus. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient si nombreux, mais c'est aussi ce qui a rendu ce périple si riche, à tous points de vue. Je ne vais pas faire un récit au jour le jour de cette semaine (seulement pour l'étape 4, ici), mais plutôt aborder des thèmes qui me semblent pertinents et constructifs dans le cadre de la genèse d'un projet de cette ampleur.
Le concept
Le Pyrénées Expé Trail est un nouveau concept d'ultra. Conçu et voulu par l'équipe déjà à l'origine du Grand Brassac Hivernal Trail, cette épreuve est novatrice en France : un alliage de randonnée, d'expédition, de haute montagne et de trail.
Un nombre d'équipes réduit, une organisation intégrée à chaque équipe, une sécurité assurée par tous… c'est la configuration idéale de cet ultra. Et le concept fonctionne. Chaque équipe est composée de deux coureurs et d'un accompagnateur. Les coureurs font l'ensemble des étapes, l'accompagnateur est quant à lui mobilisé par l'organisation et partage certaines étapes avec ses coéquipiers.
Lors de cette édition « 0 », notre équipe (les « jaunes ») s'est composée de trois coureurs et d'un accompagnateur. Franck (équipier de Pascal), nous a en effet rejoint pour les étapes 2 et 4, et ce concours de circonstance a été merveilleux. Courir à trois est vraiment la formule parfaite. Cela permet de bien se relayer, de mieux gérer, de se répartir du matériel, de sécuriser l'équipe (il devient possible d'emporter un bleuet, de compléter la pharmacie…). Laurence, Karine et Sandrine ont également fait équipe sur l'étape 4 et ont beaucoup apprécié.
Le terrain de jeu
Les Pyrénées offrent un terrain de jeu formidable, avec une multitude de sommets à plus de 3000 m, des panoramas grandioses, des lacs magnifiques, des sentiers techniques, des chemins en balcons, des cascades, des cirques fabuleux, des champs d'iris bleus… un enchantement pour qui aime la nature.
Pascal avait dit « Pas la peine de partir loin pour vivre l'aventure ». Et Michel, notre accompagnateur, m'avait dit combien il appréciait la beauté de ces montagnes. Et bien, je n'ai pas été déçu. Avec un temps exceptionnel, un très bel enneigement… ce Pyrénées Expé Trail m'a offert un dépaysement total en haute montagne.
Dès le départ, des Granges d'Astau, nous avons été pris dans cette ambiance de montagne sauvage. La brume cachant le Lac d'Oô a ajouté un caractère encore plus aventureux à ce périple. Chaque jour, nous avons tous été émerveillés par tant de beauté : un régal.
Les parcours
6 étapes aux profils très différents. Des étapes plus courtes et techniques (en montée et en descente), des étapes moyennes (25 km) à longue (50 km), des étapes de liaison et de découverte des sommets…En visionnant ces circuits sur Google Earth, grâce au travail de Pascal de GIPS Aventure, j'avais pris conscience de la difficulté de certaines portions.
Lors de cette reconnaissance, nous avons foulé des chemins magnifiques, de beaux sentiers et puis suivi (et cherché) des traces. Plusieurs options de circuits se sont avérées infaisables : des chemins présents sur les cartes, mais qui en fait ne sont plus utilisés et donc ont pratiquement disparu, des chemins trop exposés et présentant un risque trop important. Sur la longue étape (50 km et 4000 md+), nous avons dû chercher notre chemin sur près de 1200 md+, jardiner, s'orienter à l'azimut… et pourtant, Jean-Marc et Nicolas étaient devant. A la fatigue physique s'ajoute donc la fatigue mentale. Mais de nombreuses variantes sont possibles et il convient juste d'optimiser les parcours.
A la différence des Alpes, je ne connais pas beaucoup les Pyrénées. Si un sommet de 3000, dans les Alpes (genre le Vieux Chaillol) est une randonnée, dans les Pyrénées, un 3000 peut s'avérer plus technique et nécessite donc une sécurité adaptée. Du coup, le recours à un guide de haute montagne est indispensable. La présence de Didier, CRS et guide, a été fort appréciée. Mais cela ne suffit pas. Il faudrait créer de véritables cordées, avec des guides, pour ces passages plus engagés. Cela permettra une découverte de la haute montagne sécurisée, et pourquoi pas pour certains, l'envie d'y retourner… l'appel de la montagne.
La logistique et le matériel
Les règlements administratif et technique de cette épreuve sont très précis et laissent entrevoir un professionnalisme dans l'organisation. Que ce soit au niveau du choix des matériels, des consignes, du classement (finalement non utilisé à la demande de la Préfecture pour cette édition test), des GPS, radio et cartes… tout est pertinent dans la démarche et fort bien étudié. Dans la pratique, bien sûr, certains points n'ont pas aussi bien fonctionné que prévu.
Nous avons été hébergés au sein de trois Refuges : le Refuge d'Espingo, le Refuge du Portillon et le Refuge de Maupas. Seul le Refuge d'Espingo s'est avéré un mauvais choix, pour une raison simple : il est un peu excentré du site de l'épreuve et obligeait donc plusieurs aller-retour, surtout pour les accompagnateurs (et sherpa donc). Il faut donc privilégier deux sites seulement, deux « bases vie », où le matériel (chaussures de montagne, piolet, crampons, cordes) pour les étapes en haute montagne pourraient être stockés. A partir de ces deux bases vies, les circuits « en étoiles » pour chaque étape sont déjà identifiés. Cela éviterait également à nos chers accompagnateurs et au médecin de porter des charges aussi importantes (jusqu'à 19 kilos !). Nous les remercions encore pour leur courage et leur dévouement.
Thierry des Pyrénées Raiders et mon père nous ont encouragé sur les étapes 2 et 4 du parcours. Ce fut particulièrement agréable de les voir, encore merci. Thierry avait même préparé un petit déjeuner chaud pour l'ensemble des participants à Superbagnère ! Et cela peut donner des idées. En effet, pour le suivi des coureurs et leur sécurité, une équipe volante, dans la vallée, serait nécessaire. Elle permettrait également un relais radio optimisé avec les accompagnateurs.
La préparation des équipiers
Dès le départ, j'ai perçu le Pyrénées Expé Trail comme une épreuve de compétition en milieu montagnard. C'est d'ailleurs ainsi que je l'avais présenté à mon équipier, Didier, et c'est ce qui nous avait séduit (road book des étapes, profils, classement aux points). Le concept est particulièrement intéressant, car il intègre à la fois des étapes engagées et difficiles, nécessitant une bonne préparation, et des étapes de randonnées en haute montagne, propices aux échanges et au partage entre participants. Ce n'est ni un treck, ni un trail par étapes, ni un stage en haute montagne.
Malheureusement, ce niveau de perception de l'épreuve n'a pas été homogène au sein de toutes les équipes. Certains ont complètement sous-estimé la difficulté de cette épreuve (y compris les organisateurs) et rapidement, dans la semaine, des tensions (normales dans ce genre d'épreuve) ont pris des proportions qui n'auraient pas dû être. La fatigue engendre fatigue et perte de lucidité. Le courage et la noblesse d'esprit, dans ce cas, c'est de savoir renoncer. Des options de repli, notamment pour la longue étape, auraient dû être mieux anticipées.
Ce genre d'épreuve exige une certaine préparation et des capacités physiques avérées. Et ce n'est pas uniquement dans un objectif de performance, c'est pour la sécurité de tous. Avec ce concept de 6 étapes, chaque jour, la fatigue s'accumule… et le risque d'accident est exponentiel. La montagne ne se domine pas, au mieux, elle s'apprivoise. Dans la configuration que nous avons vécu, tout s'est très bien passé, car nous avons eu un temps magnifique. Les conditions ne pouvaient pas être meilleures. Mais en montagne, c'est assez exceptionnel.
L'esprit trail
Bien sûr, le challenge est difficile à relever. Réunir des participants d'horizons divers, venus avec des motivations variées, ce n'est pas chose aisée. Surtout pour accomplir une épreuve de ce type, une édition « 0 » qui plus est. Je fais souvent l'analogie avec la cordée d'alpinistes. Et bien, nous l'avons vécu cette sensation de haute montagne, tous ensemble sur la même cordée. Avec Didier et Francky, nous avons formé une cordée exemplaire. Jean-Marc et Niko ont été des ouvreurs extra, toujours disponibles, prévenants, à donner des conseils, des exemples à suivre ! Ils ont réalisé une performance exceptionnelle tout au long de cette semaine.
Pascal a joué le rôle ingrat de fermeur de l'épreuve. Ce ne fut pas facile et je pense que cela a dû le frustrer quelque peu. C'est un peu la limite du concept à vouloir intégrer complètement l'organisation et la sécurité au sein des équipes. Il faudrait envisager une équipe dont la mission est uniquement de fermer chaque étape et qui n'a donc aucun esprit de compétition.
Car l'esprit trail a été mis à mal pendant ce Pyrénées Expé Trail pour une seule raison : l'orgueil. Une tension palpable est montée progressivement de jours en jours. Ce n'est pas facile à vivre, car on sent bien que quelques points dérapent (timing pas respecté, étapes trop difficiles, changement d'itinéraire au dernier moment, carence d'information, manque de repère et de recadrage de l'organisation…) et puis une crise éclate. Certaines choses sont bonnes à dire, et font progresser, d'autres pas.
« Performeur, macho, arriviste, gars à 1 neurone… », je n'avais jamais vu un tel mépris en haute montagne, surtout lorsque de tels propos visent des passionnés de sports nature. Et puis, on relativise… Mais cela laissera immanquablement des traces, surtout pour les plus impliqués.
Les valeurs humaines
De cette aventure pyrénéenne, il me restera un surnom « fleur de sel ». Il me fut donné par Serge, le médecin de l'épreuve à l'arrivée de l'étape longue - « titanesque » selon les propos de Niko à mon père - et je confirme ! Nous avons tellement bu (d'eau bien sûr) et j'ai perdu tant de sel… que j'aurais pu rivaliser avec les marais salants de Guérande !
La première étape du Pyrénées Expé Trail a été remportée par Nicolas et Jean Marc, la dernière par Laurence et Sandrine. C'est l'essentiel. Et illustre combien l'humilité en montagne permet à chacun d'atteindre son propre sommet. Je me souviendrai longtemps de cette soirée passée au Refuge du Portillon, animée par notre fameux duo Francky et Sandrine…
Nous avons noué de belles amitiés pendant ce périple, discuté de l'Annapurna Mandala Trail (encore merci à toi Marie), de l'UTMB (un objectif pour plusieurs d'entre nous), de la Petite Trotte à Léon (Franck fait équipe avec Pascal et Jean-Pierre Chirol), échangé des conseils, des trucs de chacun (les petits pains au nutela dans la soupe, l'huile de poisson, le bicarbonate et le potassium, c'est noté !), construit des projets respectifs pour de prochains défis : Raid Landais, courses d'alpinisme, Raid 28... et partagé des moments formidables.
L'édition 1 du Pyrénées Expé Trail est en gestation. Aura-t-elle lieu… il est encore trop tôt pour le dire. Une chose est sûre, cette étape de test fut essentielle et riche d'enseignements. Les Pyrénées... Grandeur Nature !
Encore merci au GIPSport Aventure pour cette aventure hors normes !
Bravo à tous pour cette magnifique semaine de montagne !
Clip du Pyrénées Expé Trail, édition test, du 21 au 26 juillet 2008, Bagnères de Luchon
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