A chacun son sommet

A chacun son sommet

PYRENEES EXPE TRAIL 08 : Titanesque !

 

Etape 4 - « La Longue » 50 km et 3800 md+ / Une étape « titanesque »

Détails de l'étape

 

Départ : Refuge du Portillon (2535 m) - Arrivée : Refuge de Maupas (2415 m)

Le programme initial de cette étape comptait 58 km et 5000 md+. Lors du briefing de l'étape, il a été revu à la baisse : 50 km et 3800 md+, l'objectif étant que cette étape se court au maximum, comme un trail. Une option de repli dès Superbagnères, est possible, réduisant le kilométrage et le dénivelé. Cependant, elle exige beaucoup d'humilité de la part des équipes, car elle leur impose – très tôt dans l'épreuve – de renoncer au grand parcours, ce qui n'est pas évident.


 

Déroulement

 

Conditions météo du jour : très beau temps, avec risque d'orages dans l'après midi.

4 équipes ont pris le départ : Nicolas et Jean Marc / Pierre, Didier et Franck / Sandrine, Karine et Laurence / Marie et Maguy. Pascal ferme l'étape.

2 équipes ont terminé l'épreuve : Nicolas et Jean Marc / Pierre, Didier et Franck

2 équipes ont été déroutées sur le circuit de repli : Sandrine, Karine et Laurence / Marie et Maguy.


 

Un départ dans la nuit : jubilatoire

 

Refuge du Portillon, 24 juillet, 3 heures du matin. Didier me réveille, je n'ai pas entendu ma montre sonner. La nuit fut courte, mais je me sens bien en forme. Nous avons préparé la veille nos sacs et rentré l'ensemble des waypoints dans les GPS suivant le roadbook de l'étape. Le Refuge du Portillon est fort accueillant et nous avons droit à un bon café et à du pain en quantité. Cette étape longue, c'est le gros morceau de la semaine. Avec Didier et Francky, nous ne sommes pas montés, la veille, au Pic du Seil de la Baque, pour nous économiser… et nous avons été sages, la suite de cette journée nous le prouvera.

 

Toutes les équipes qui participent à cette étape sont prêtes, Michel, notre accompagnateur, a des mots d'encouragements pour ses équipiers. Nous sortons sur le promontoire du refuge, il fait un temps clément. Petite photo de toute la troupe et c'est le départ. Nous partons groupés jusqu'au niveau des cascades, pour passer les rochers et les quelques névés. Le chemin est moins évident de nuit et il faut être prudent. L'ambiance est magique, chacun prend visiblement beaucoup de plaisir.

 

 

Passés les derniers rochers, c'est le top départ pour les équipes. Nicolas et Jean-Marc (les "noirs") partent rapidement en tête, puis nous les suivons, Didier, Franck et moi. Les autres équipes suivent, chacun à son rythme. Il faudra bien gérer pendant cette étape, car elle s'annonce longue et difficile. Pourtant, deux sections du parcours ont été supprimées : le passage des crêtes au-dessus du col de Barèges et le passage du Port de Vieil. L'objectif est de courir un vrai trail sur cette étape et ces portions semblaient vraiment trop engagées.

 

Nous entendons bientôt la radio de l'équipe des "noirs" qui annonce le waypoint des Cascades. Le système de cette course fonctionne bien, chaque équipe se doit d'annoncer son passage aux waypoints, qui sont en même temps des points de contrôle. Les accompagnateurs, dotés de radio, suivent ainsi la progression des équipes. Et pour les participants, c'est vraiment sympa de savoir où en sont les autres.


 

Notre équipe avance bien, une bonne petite foulée à la lueur des frontales. Nous arrivons également au point des Cascades, contrôle radio. Derrière nous, nous apercevons des lucioles qui descendent du ciel… c'est toujours grisant de courir de nuit, mais il faut être vigilant et ne pas puiser trop d'énergie. Nous longeons le Lac Saussat sur un chemin tout empierré. Niko annonce par radio qu'il faut continuer sur 100 m après le Col d'Espingo pour trouver un rocher sur lequel est indiqué «super », pour Superbagnères, il faut prendre à droite. Nous y arrivons rapidement. Les "noirs" sont déjà en haut, ils avancent à un bon rythme.


Nous en profitons pour quitter nos vestes, il fait vraiment bon. Un peu au-dessus de nous, deux billes lumineuses nous fixent. Un ours ? un loup ? un chien errant ? en tout cas, la "bête" est curieuse. Nous poursuivons notre progression, chemin agréable, nous prenons vite de la hauteur. Nous atteignons un premier Col, l'Hourquette des Hounts-Secs (2229 m). Un signal lumineux provient de l'autre col : les "noirs" nous font des signes, nous les saluons. Derrière nous, au fond, une autre équipe avance.


 

La table d'orientation : prémonitoire

 

Luchon et toutes ses lumières sont là-bas, au loin dans la Vallée. Le jour ne va pas tarder à se lever. Nous commençons à véritablement courir sur ce beau chemin. Des sensations vraiment agréables. Nous arrivons au collet où étaient Niko et Jean-Marc. Nous basculons sur l'autre versant. Nous progressons bien. J'aperçois un gars avec un sac à dos… c'est Gilles, un accompagnateur / sherpa. Un petit bonjour. Ensuite, nous remontons Serge, médecin. Il n'est pas au mieux de sa forme, le sac est vraiment trop lourd.


Puis nous arrivons au Col du Coume de Bourg (2163 m), où Yann et Steven nous accueillent et nous encouragent. Encore merci. Une dernière portion et nous arriverons à Superbagnères. Pascal nous a dit, la veille lors du briefing, d'être prudents sur ce chemin. Finalement tout se passe bien… enfin presque. Au dessus de Superbagnères, Didier se prend les pieds dans les fils d'une toile de tente d'une colonie de vacances et se ramasse. Rien de bien grave… et des rires d'enfants en plus.

 

 

J'aperçois mon père : il est venu de Luchon pour nous encourager. Au niveau de la table d'orientation, il pointe sa montre et nous dit "21 minutes" en souriant. Niko et Jean-Marc sont passés et filent dans la Vallée. Petite pause photo et casse croûte, et nous repartons. C'est Didier qui mène les troupes. Nous entrons dans le Bois de Castel Vieil pour une magnifique descente. Didier a des jambes et le rythme est soutenu. Francky déroule bien et je clos la marche. J'ai la carte et le GPS à la main, car Niko nous a prévenu qu'il fallait être vigilant. Et c'est vrai, car des chemins partent d'un peu partout.

 

Nous arrivons à une route, que nous remontons légèrement. Et nous voilà donc à la Tour de Castel Vieil, où nous attend un bon petit déjeuner bien chaud… enfin normalement. Il est 8h10. Thierry des Pyrénées Raiders, nous y attendait vers 7h/7h30. Du coup il est reparti. Et je n'ai pas pu le joindre avec mon portable… pas grave. Nous saurons plus tard que Thierry était remonté à Superbagnères et les autres équipes ont pu profiter de sa générosité.

 

La Tour de Castel Vieil, top pour une montée infernale

 

Nous sommes à 700 m d'altitude et nous devons monter à 1977 m, un beau morceau rien qu'en chiffres. Didier et Francky font le plein d'eau, puis nous entamons la montée. Déjà, pas facile de trouver le bon chemin. Enfin, grâce au GPS et à la carte, on se cale bien. Il y a des sentiers partout, pas facile. Je comprends rapidement que cette montée va se faire uniquement en orientation. J'impulse un bon rythme, les autres suivent.


Arrivés au waypoint 9, nous laissons un message sur les portables de Jean-Marc et de Michel, car depuis un moment, nous n'avons plus de radio. Nous ne sommes plus sur le bon canal et ne savons pas le changer, pas pratique cette affaire. Du coup, on a plus aucune nouvelle de personne. La progression continue, toujours joyeuse au sein de l'équipe. Même si on finit par se dire que cette portion est vraiment trop difficile, surtout le long de la Crète de Couradilles. Nous nous inquiétons pour les autres équipes. Il faut vraiment avoir le sens de l'orientation, on peut rapidement se perdre.


 

Nous quittons – enfin – la forêt, pour rejoindre les zones herbeuses, d'où jaillissent des quantités de magnifiques iris bleus. L'orientation se fait à l'azimut. On devine par endroit les traces laissées par Niko et Jean-Marc. Sincèrement, je commence à en avoir marre. Ce n'est pas un parcours de trail et cela devient fatiguant. Sur les dernières hauteurs, au niveau d'un troupeau de chevaux, nous nous dirigeons au cap vers le Tuc du Plan de la Serre, le point culminant à 1977 m. Nous y arrivons et sommes soulagés : ça ne va plus monter. Cette partie est rébarbative, à revoir complètement. Nous dominons le Col de Barèges et sa cabane. Nous avons tous les trois le même vœu : de l'eau ! Nous sommes à sec depuis un petit bout de temps.

 

La descente se fait « à la basque », à travers tout. Au Col, un abreuvoir « de compétition », nous attend. Didier nous offre des chips, c'est un magnifique apéro face à une chaîne de nombreux 3000 des Pyrénées. Grandiose. Nous nous restaurons pour être d'attaque pour la traversée vers les Hospices de France (qui vont peut-être bien nous servir…). Nous prenons un chemin de chèvres… c'est pas le bon. On rectifie le tir en coupant à nouveau à travers tout pour récupérer un sentier. Et c'est reparti à courir. Nous traversons le Plateau du Campsaure. Normalement, c'est tout droit, mais nous ne trouvons pas le chemin. Le panneau de signalisation indique : Hospices de France, à droite. Et le GPS indique : tout droit ?!?


 

Nous prenons le chemin indiqué sur le panneau. Nous voilà sur une longue – mais vraiment longue – piste de 4 x 4. Du coup, on envoie un maximum pour que ça passe plus vite. Encore un panneau « Hospices de France », à gauche cette fois. C'est bon, on devrait arriver. Et en effet, nous arrivons à un parking bondé de voitures. Bientôt, le Pont du Penjat… et mon père qui nous encourage. Niko et Jean-Marc sont bien passés par là et également par la piste de 4 x 4. Le chemin des « chèvres » et les Cabanes de Campsaure ont donc été bien difficiles à trouver.

 

Après les titans, bonjour l'impératrice

 

Niko a dit à mon père que c'était « titanesque » cette étape. Moi, je lui ai dit que c'était monstrueux ! Il commence à faire vraiment chaud. Je me dis que ça va être vraiment difficile pour les autres équipes, à quelle heure vont-il arriver ? Je repense à ces vires rocheuses dans la montée, j'espère que personne ne se perd… Nous avons laissé beaucoup d'énergie physique et mentale, surtout qu'on ne s'attendait pas à un tel parcours. Enfin, c'est le principe d'une reconnaissance…


Bientôt, s'offre à nous le Chemin de l'Impératrice. Un magnifique chemin parmi les Bois de Sajust et Bédourède. Nous l'avons pratiquement entièrement couru. Que du bonheur. Franck est un peu moins bien et je comprends qu'il faut se calmer un peu. Nous allons rejoindre le Cirque de Glère et ses cascades somptueuses. C'est absolument superbe. Je conseillerai le lendemain à Magalie et Isabelle d'aller y faire une belle balade.


 

Le Col du Sacroux (2034 m), à droite, c'est notre prochaine destination. Nous montons bien tous les trois, même si je prends un peu d'avance. J'aurai dû m'économiser, car je vais le payer plus tard. A mi hauteur du Col, je reconnais un gars qui descend vers nous : c'est Thierry "Raider Pyrénéen". Il vient à notre rencontre, ce gars est formidable. Thierry nous encourage, nous prend en photo et nous accompagne jusqu'au Col. Génial. C'est grisant et du coup, je monte un peu trop vite. Thierry me dit que Niko et Jean-Marc semblaient fatigués, mais que c'étaient de « véritables machines de guerre » !


Au Col, Steven et Yann sont là. Ils sont heureux de revoir "les jaunes", dont ils n'avaient plus de nouvelles (normal sans la radio). Nous sommes bien contents de les retrouver également. Ils font un sacré travail sur cette épreuve. Steven nous apprend que les autres équipes ont été déroutées dès Superbagnères, sur un circuit de repli. Je ne savais pas encore à ce moment là qui avait pris la décision, mais je me disais que c'était vraiment un acte courageux et objectif par rapport à la situation.


 

Après avoir repris nos forces, nous repartons pour terminer cette étape. Si tout se passe bien, vers 16h30 nous devrions être au Refuge de Maupas. Mais bon, je me sens bien fatigué. J'ai tardé à manger, et puis il fait si chaud. Les gars s'arrêtent pour remplir leurs bidons d'eau, moi je continue, croyant avoir des réserves. Que neni, j'aspire les dernières goutes d'eau et me retrouve à sec. Du coup, je fais le plein à une des nombreuses cascades. Je repars et avance sur un chemin en balcon magnifique. Mais il faut faire attention, car à droite, y'a du gaz.


Arrivés au Col de Pinata, nous basculons dans une très belle descente. Je repasse devant et nous en profitons bien. Tellement, qu'à une bifurcation, nous filons tout droit, au lieu de remonter à gauche en direction du Lac Vert (nous aurions dû écouter Francky !). Du coup, nous descendons 200 m trop bas… et nous ne verrons jamais ce fameux Lac Vert !

 

Point de Lac Vert, mais le courage des filles

 

Nous commençons à remonter et là, ça va plus trop. J'accumule la fatigue, Didier et Francky m'encouragent. Finalement, je m'arrête pour prendre un gel et ça me requinque. Nous poursuivons. Nous passons le Lac Noir et là, surprise, nous retrouvons l'équipe des filles : Sandrine, Laurence et Karine. Elles nous apprennent ce que nous savions déjà : un circuit de repli a été mis en œuvre à partir de Superbagnères. Elles nous font part de leur déception et de leur incompréhension.


Je réalise combien il doit être désagréable de se voir arrêté sur ce type d'étape, surtout dès 8h30 le matin (sachant que nous sommes quand même partis à 4h00). Comme nous n'avions plus de radio, nous n'étions pas au courant de ce qui se passait. Nicolas a donné l'ordre de dérouter le parcours lorsqu'il a pris conscience de la difficulté de l'étape. La météo annonçait des orages en milieu d'après midi et c'était une décision courageuse de sa part.


 

Nous avons terminé l'étape, toute la remontée vers le Refuge de Maupas, avec Laurence, Karine, Sandrine et Steven. Et ce fut génial. Les filles nous ont bien remonté le moral et cela a fait un bien fou. En discutant ensemble, elles ont réalisé combien cette étape était difficile et du coup, comprenaient la décision prise. De mon côté, je commençais vraiment à ne plus avancer. J'avais beau me dire que jamais je n'avais été aussi près de l'arrivée… rien n'y fait, plus de jus le Pilou ! Laurence m'a proposé une figue, mais j'étais cramé. Je me suis arrêté quelques minutes, les autres ont filé.


Sandrine m'a attendu et m'a accompagné dans cette dernière montée. Une sacrée fille avec un mental d'acier. Bientôt, nous apercevons les fameuses toilettes du Refuge de Maupas (à voir absolument !). Je n'ai jamais été si content de voir ces toilettes… sans pour autant avoir envie de les visiter. Encore quelques mètres et nous voilà arrivés, main dans la main avec Sandrine. Que ces derniers 300 m m'ont semblé longs ! Tout le monde nous encourage, c'est vraiment un bon moment.


 

Du sel, du sel… et des petits tracas

 

16h20, cela fait 12h15 que nous sommes partis. Je me pose sur un banc, j'ai perdu beaucoup de sel. Didier, le médecin, me surnomme « Fleur de Sel ». Il va falloir que je complémente rapidement. Didier nous fait boire du bicarbonate. Yvette, la gardienne de ce beau refuge montagnard, me sert une bonne soupe bien salée. Ça fait beaucoup de bien.


Niko et Jean-Marc sont bien marqués également. D'ailleurs, depuis le Chemin de l'Impératrice, les randonneurs croisés nous dévisageaient, se demandant d'où nous venions…. Vu notre état, j'ai vite compris. Cette étape longue est magnifique, mais trop difficile. C'est le quatrième jour de cette semaine déjà bien chargée et le parcours est trop technique. Nous avons puisé dans nos réserves.

 

 

Nous échangeons ensuite avec un peu tout le monde. Rapidement, il s'avère que l'arrêt de l'épreuve n'est fondamentalement pas accepté par une des équipes. C'est vrai que renoncer si tôt, après s'être levé à 3h du matin, doit être particulièrement frustrant. Si notre radio avait fonctionné, j'aurais abondé dans le sens de Nicolas. Nous approuvons totalement sa décision. La sécurité de tous avant tout.

 

Cette longue étape a, pour moi, Franck et Didier, été une course de montagne magnifique. Nous avons pu reconnaître ce parcours avec beaucoup d'harmonie entre nous trois. Et terminer avec les filles a été la cerise sur le gâteau. Retrouver leur joie, leur rire… fut un enchantement. Nous avons pu faire un débriefing complet à Pascal et à posteriori, je suis convaincu que cette journée a été enrichissante pour tous : ceux qui ont participé, ceux qui l'ont terminée, ceux qui ont dû arrêter, ceux qui ont renoncé, ceux qui nous ont aidés et tous ceux qui nous ont encouragés…


Finalement, pas d'orage, mais Superpagnères est une île parmi les nuages !


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Reportage de Thierry des Pyrénées Raiders sur cette étape 4

Un périple... démesuré par Niko



03/08/2008
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