A chacun son sommet

A chacun son sommet

BREITHORN, CASTOR et FELIKHORN : Les Mondes d’En-Haut

A la ligne frontière entre l’Italie et la Suisse, entre le Val d’Aoste et le Valais, nous voilà dans une région des Alpes où foisonnent les 4000, tous plus enchanteurs les uns que les autres. Dès lors que l’on atteint ces altitudes, nous voilà dans un nouvel univers. Les mondes d’en-haut, comme je les surnomme. Là, on trouve la roche, la glace. Les parois et les arêtes effilées. C’est un environnement que j’apprécie tout particulièrement et que j’aime partager. J’ai donc tracé un itinéraire entre Breuil-Cervinia et Saint Jacques permettant de passer un long moment dans des altitudes de plus de 3000 mètres. Nous avons réalisé, grâce à des conditions météorologiques excellentes, un superbe voyage sur les hautes cimes.
 
 
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 (cliquer sur la carte pour agrandir)
 
Point de départ, la station italienne de Breuil-Cervinia (2006 m) n’offre pas le charme habituel des villages du Val d’ Aoste. Ici, c’est plutôt hôtels en béton, magasins et remontées mécaniques. Mais on oublie bien vite, tant le panorama sur le versant italien du Cervin est magnifique. Il faut grimper 1300 m pour rejoindre le Theodulpass à 3293 m. Les chemins pour y aller sont multiples et nous avons donc fait un crochet par les Lacs Goillet et Cime Blanche. Mais il existe bien sûr une trace plus directe. Dans tous les cas, on passe des alpages à l’univers minéral de la haute montagne. Et également par des bâtisses en ruines et par une belle petite Chapelle désaffectée (Cappella Bontadini). Le final pour atteindre le Col du Theodul est tout en neige.
 
 
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Juste au-dessus du Col, se trouve le Refuge du Theodul (3317 m) du Club Alpin Italien. Une très bonne adresse, où l’accueil du gardien et de son équipe est particulièrement agréable. Nous profiterons ainsi d’une belle soirée pour savourer un bon repas, puis admirer le coucher du soleil sur le Cervin et les sommets environnants. Une nuit en altitude, juste avant d’autres ascensions, est selon moi excellent pour terminer la phase d’acclimatation. Et en plus, c’était l’occasion de partager cet univers de haute montagne avec des amis et proches, qui habituellement, restent en bas dans la Vallée, lorsque je fais de l’alpinisme. C’est important pour moi de communiquer un tant soit peu ces sensations que procure la haute montagne. 
 
 
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Tôt le matin, après un bon petit déjeuner, nous voilà partis encordés sur le Glacier du Theodul. Le premier objectif est de rejoindre Trockenersteg (2939 m) en Suisse. De là, le Cervin offre sa plus belle face, la pyramide semble quasiment parfaite. La progression sur le glacier reste agréable, même si les remontées mécaniques polluent un peu le regard. Toutefois, la vue sur l’ensemble des sommets (Dent Blanche, Breithorn, Lyskamm, Mont Rose, Weisshorn…) est magique. Pendant près de trois jours, nous serons baignés dans ces montagnes. A 9h, face au Matterhorn, nous trinquons d’une bonne bière. Puis nous revoilà sur le Glacier, pour rejoindre le Refuge du Theodul et y laisser une partie de l’équipe. A 11h30, nous partons, moi et Didier, pour notre voyage blanc.
 
Nous rejoignons tout d’abord le Plateau Rosa, où nous croisons de nombreux skieurs. Puis nous prenons la direction de Gobba di Rollin pour atteindre le Breithornplateau. Pratiquement à la hauteur du Petit Cervin, nous bifurquons en direction du Breithorn. Beaucoup de cordées sont dans la face. Nous arrivons tranquillement au pied de la pente, puis nous commençons réellement l’ascension. Comme à mon habitude, je démarre doucement. Nous montons donc progressivement. La neige, à cette heure tardive, est déjà assez molle. Nous voilà plus dans le pentu, et tout va bien. Nous prenons de la hauteur. C’est une course de neige vraiment facile, même s’il ne faut pas pour autant en oublier les risques de la montagne. Un dernier virage nous conduit vers l’arête sommitale du Breithorn.
 
 
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Nous en atteignons le sommet (4164 m) avec joie. C’est toujours un moment si particulier d’être arrivé « en-haut ». Et en plus, nous y sommes seuls. Incroyable. Il s’agit en réalité du sommet occidental. En effet, le Breithorn (qui signifie sommet large en allemand)  est constitué de plusieurs sommets jusqu’à la Roche Noire. Conquis le 13 août 1813, le Breithorn domine véritablement la Vallée de Zermatt. De son sommet, on a donc une vue exceptionnelle sur le Cervin juste « en face ». Mais aussi sur une multitude d’autres cimes, de l’Oberland, au Massif du Grand Paradis, du Grand Combin, au Mont Blanc. Il donne également un autre point de vue sur les glaciers, sur les vallées (qui ne m’ont jamais semblé si profondes…). Bref, ce sommet assez facilement accessible, est un beau belvédère (un de plus !) sur ces montagnes des Alpes. 
 
 

 
Après de longs moments de contemplation, nous redescendons et nous poursuivons notre voyage blanc vers le Glacier de Verra, en longeant le pied du Breithorn. Un univers fabuleux de haute montagne. Il nous suffit ensuite de rejoindre le Refuge des Guides du Val d’Ayas (3425 m), où nous allons passer la nuit. En chemin, nous regardons avec une pointe d’envie ce Bivouac Rossi Volante (3787 m). J’y reviendrai bien un jour… A 18h, nous voilà au Refuge. Très bel endroit dans un cirque glaciaire impressionnant. Ambiance haute montagne, bouquetins au bord de la terrasse, repas excellent… tout comme le Genépi offert par le gardien d’une gentillesse absolue. Ce Refuge, je le note d’une croix pour y revenir absolument. Lorsque les éboulements et les avalanches de glace se succèdent dans la soirée, on réalise combien ce « refuge », perdu dans ces altitudes, mérite bien sa dénomination.
 
 
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Réveil à 5h30, pour partir de jour, comme nous l’a conseillé le gardien, afin d’en prendre plein les yeux. Une fois équipés, nous voilà partis à l’assaut de Castor. Culminant à 4223 m, ce sommet est particulièrement identifiable sur tous les panoramas de la Chaîne du Mont Rose. Avec Pollux, ils sont dénommés les « Jumeaux ». Nous avons un peu plus de 800 m à gravir. La première portion nous conduit au Col de Verra, puis nous entamons l’ascension dans la Face Sud-Ouest. Très vite, la pente s’accentue. La neige a bien regelé pendant la nuit et c’est un bonheur. Une vingtaine de mètres sous la rimaye, la pente atteint bien un 40/45°. Les marches sont bien faites. Nous franchissons la rimaye, pour ensuite atteindre l’antécime rocheuse de Castor. Face à nous, l’arête aérienne et très photogénique de Castor. Une cordée est au sommet. Nous voilà donc sur ce fil de montagne.
 
 
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C’est absolument somptueux. Nous avançons avec prudence, tant la largeur de l’arête s’amenuise au fil de la progression. Le palpitant s’accélère un peu. Une fois au sommet, encore un grand panorama grandiose s’offre à notre regard. Nous nous régalerons un bon moment, d’autant qu’il ne fait pas froid. Devant nous, le Lyskamm, la Pointe Dufour, la Pyramide Vincent… J’assure ensuite mon second de cordée pour la traversée de Castor. Tout ce passage est magique. Je retrouve les sensations des arêtes des Dômes de Miage, mais celles-ci sont démultipliées dans un tel environnement. Arrivés au Col Felik, nous remontons légèrement pour atteindre notre troisième 4000, le Felikhorn. Ensuite, nous poursuivons notre descente vers le Refuge Quintino Stella (3585 m). Encore un beau refuge de haute montagne. Face à nous, les Vallées de Gressonney et d’Ayas.
 
 
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Une fois tout le matériel rangé dans le sac et revêtus d’un short et d’un t-short, nous continuons notre voyage en empruntant une arête rocheuse bien équipée. Un superbe chemin d’altitude, très aérien. Au Col de Bettaforca, nous bifurquons sur la droite pour atteindre le Val d’Ayas. De là, il nous reste à rejoindre Saint Jacques. Nous sommes sur l’itinéraire du Tour du Mont Rose. Et bientôt, nous retrouvons la Via Alta n°1 qu’emprunte le Tor des Géants. Me voilà en terrain connu. C’est un beau clin d’oeil de terminer ce voyage blanc par une portion que je connais déjà bien. Avec Didier, nous courrons dans ces derniers lacets qui nous conduisent à l’Eglise de Saint Jacques. Là, nous retrouvons nos proches, qui sont venus nous récupérer depuis Valtournenche. Merci à eux, car ils nous ont permis de vivre un fabuleux voyage blanc dans les Mondes d’En-Haut.
 
 
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"Ce que tu vis au sommet te change profondément 
et te devient indispensable."
 
 
 


23/08/2013
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