A chacun son sommet

A chacun son sommet

ANDORRA ULTRA TRAIL 09 : Never Stop Exploring

  

 

L'Andorre, pour moi, c'était le pays des commerces, de l'alcool moins cher, des affaires à faire. Et bien une nouvelle fois, mon regard a changé sur cette impression, faite d'a priori et de quand dira t-on. La Principauté d'Andorre est un pays vraiment magnifique, qui recèle quelques joyaux de nature, malgré, c'est un fait avéré, plusieurs vallées (dont celle d'Andorra la Veilla) beaucoup trop urbanisées à mon goût. Appât du gain, quand tu nous tiens !

 

Mais ce côté superficiel et mercantile de la Principauté doit être vite oublié en faveur de la beauté de l'environnement. Un grand merci aux organisateurs de l'Andorra Ultra Trail Valnord de m'avoir fait découvrir un si beau pays, au cœur des montagnes ! A coup sûr, j'y reviendrai, pour parcourir cette Vallée de Madriu - Perafita - Claror, que nous avons juste effleurée, suite aux aléas climatiques.

 

 

Ne jamais cesser d'explorer

 

Never stop exploring... c'est le slogan de la marque sponsor de cette épreuve repris sur le tee-shirt offert lors de la remise du dossard. Cette promesse fait échos au plus profond de moi. Je n'avais pas prévu de prendre part à cette première édition de l'Andorra Ultra Trail Valnord. Mais faire tout le tour d'un pays, quelle belle perspective pour un traileur. Un petit retour en arrière s'impose... Nous sommes début juin. Je suis avec attention les évolutions des conditions d'enneigement dans les Alpes. Avec Niko, nous échangeons toutes les infos que nous glanons sur le GRM. La Croc Magnon vient d'être annulée. Trop de neige. Le Grand Raid du Mercantour semble confirmé. Je doute toutefois du maintien de l'épreuve.

 

Du coup, je contacte Valérie Lafleur, organisatrice de l'Andorra Ultra Trail Valnord pour avoir un dossard. Les inscriptions sont clôturées depuis plus d'un mois et demi, mais Valérie me fait une fleur, justement. Le fait du Prince ? Du tout. Valérie sait que c'est moi qui aie réalisé l'Affiche du Challenge des Trails Pyrénéens. J'avais dit à l'époque tout le bien que je pensais de cette future épreuve. Et l'Andorra Ultra Trail Valnord a intégré ce challenge.

 

Voilà quelques éléments qui expliquent mon état d'esprit avant de prendre part à cet ultra. 20 juin 2009, je participe au Grand Raid du Mercantour, dans une version légèrement plus courte suite à l'enneigement tardif. Une épreuve grandiose et tragique. Je ne me suis plus exprimé à ce sujet depuis mon récit « Sur le fil du Grand Raid du Mercantour ». J'en profite pour remercier toutes celles et tous ceux qui ont laissé un commentaire à ce sujet. Beaucoup m'ont profondément touché, en particulier celui d'Hervé pour son ami breton, traileur émérite et passionné, décédé lors de l'épreuve avec ses deux compagnons.

 

 

 Un choix cornélien 

 

Après le Mercantour, me voilà donc en possession du dossard 497 (sur un quota de 500) pour  l'Andorra Ultra Trail Valnord. Qu'en faire ? Me voilà dans une situation pas facile et face à un choix à faire.

 

1)   Je ne fais pas l'épreuve. Ce fut ma première décision. La sagesse avant tout. Je ne dois pas trop en faire, je dois me reposer. J'en profite pour jouer le rôle de supporter (mon beau frère et Martxel y participent).

 

2)  Je demande un changement de distance, pour passer sur le trail de 30 km. C'est suffisant, cela me permet de faire un tour du pays. Par contre, en termes d'organisation et de logistique sur place, ce n'est pas pratique.

 

3)  Je fais l'Andorra Ultra Trail Valnord, mais uniquement en rando-course, voire rando-marche. Une sortie montagne XXL, pour profiter de ce que je recherche en venant en ces lieux. Et également pour faire honneur à ce dossard si gentiment octroyé par Valérie.

 

Jusqu'à la veille du départ, je n'ai pas fait mon choix. Je laisse libre court à mes sensations, à mes motivations, à mes aspirations. Et puis me voilà sur place... et tout va vite. Je me laisse entraîner dans l'ambiance. Avec la famille et les amis, avec la montagne, avec un parcours qui s'annonce superbe... je retire ce fameux sésame pour le Tour complet d'un Pays, l'Andorre.

 

 

 Une résolution, une détermination

 

 

105 km et 7700 m+, sur le papier, c'est impressionnant. Fort de ma (petite) expérience de la montagne, je sais que ce n'est pas du virtuel. C'est un sacré morceau, avec un profil très technique. Mais surtout, c'est l'opportunité de découvrir tout un pays avec comme seul moyen de locomotion : ses jambes (... et son mental).

 

Donc, si je suis résolu à participer, je suis aussi déterminé. Tu partiras dans les derniers... et tu arriveras quand tu arriveras. Du coup, je parts dans les tous derniers (le dossard 497 me convient bien)... pour finalement bouclé ce tour de la Principauté en 123 ème position en une vingtaine d'heures. Un parcours remanié de 90 km et 5900 m+.

 

Objectif initial : se faire plaisir et ne jamais se mettre dans le rouge. Objectif réalisé au-delà de mes espérances. Un nouveau week-end « choc », certainement, mais surtout une nouvelle belle page de mon histoire avec le trail.

 

La course avec les orages

 

Lors du briefing de course, les organisateurs nous avaient prévenu que les conditions météos étaient très incertaines. Du coup, un travail colossal a été réalisé : 170 km ont été balisés (pour un tracé initial de 105 km), avec de nombreuses options de replis. En fonction des évolutions, l'organisation avait la possibilité de modifier le parcours en tant réel... ce qui s'est produit. Rajoutant un peu de « suspens » à l'épreuve, ne sachant plus trop par où on allait passer... c'est toujours la montagne qui gagne. Et quand les orages s'en mêlent...

 

3h du matin, Refuge Joan Canut au Pla de l'Estany. km 18. L'épreuve est neutralisée. Nous restons en montagne, pendant 45 mn, à attendre que le temps s'améliore. Au fil du temps, nous sommes près de 300 traileurs agglutinés près d'un grand feu de joie. Peu de coureurs se plaignent. Heureusement d'ailleurs, car cet arrêt est un principe de bon sens. L'orage est violent. Quelques éclairs nous ont permis de voir comme en plein jour. Les bénévoles sont aux petits soins.

 

Une fois l'orage passé, nous repartons... pour être mieux rattrapé vers 16h00. Un orage de grêle, beaucoup de pluie. La température chute sévèrement un instant. Puis ça passe... et le soleil nous salue même. Cet Andorra Ultra Trail Valnord, ce fut un cache-cache permanent avec les orages...

 

 

 

                            

 

 Une histoire d'amitié 

 

A minuit, à Arcalis Valnord, c'est le départ de cette première édition de l'Andorra Ultra Trail. Nous avons droit à un feu d'artifices et à de la grande musique. Des flambeaux. Une belle ambiance. Me voilà parti avec Caliméro, alias mon beau-frère Frédéric. Nous avions fait équipe lors du Trail des Villages de l'Euskal 2008 et j'en avais gardé un excellent souvenir. Un très bon co-équipier. Nous allons parcourir ces chemins andorrans pendant 3 heures, jusqu'à la neutralisation (provisoire) de la course.

 

Après, Caliméro s'envolera vers d'autres cimes... pour terminer dans les 50 premiers. Bravo mon beau frère. Ton UTMB fin août s'annonce sous les meilleurs hospices. Quant à moi, je continuerai mon bonhomme de chemin, fidèle à ma résolution : ne pas trop en faire. Qui va loin ménage sa monture. Avec la merveilleuse corne muse du Collada del Forat dels Malhiverns, les lueurs rougeoyantes du petit matin...

 

En chemin, je retrouverai Doggy Run, qui est en pleine forme (Nathalie a fait une superbe course, troisième féminine, toutes mes félicitations). Thierry a cassé un bâton, je côtoie des compagnons de route essentiellement espagnols (nous sommes peu de français)... et puis surtout Benãt, un copain de Martxel.

 

Nous allons passer vraiment de bons moments ensemble. A parler de la montagne, de nos vies, de nos motivations et de nos valeurs. Ce gars est vraiment super sympa. Il va bientôt faire le Mont Blanc avec son frère, fin juillet. Je lui détaille un peu la voie des "trois monts", qu'ils vont emprunter : les Cosmiques, le Col du Midi, l'Epaule du Tacul, l'Epaule du Maudit, le Mur de la Côte... et puis le sommet. Un moment d'apesanteur. On blague sur le fameux but de Zidane ! ça va être magnifique pour cette cordée de deux frangins, un superbe cadeau pour les 40 ans d'Alain.

 

 

 Un retour nécessaire 

 

Le dénouement tragique du Grand Raid du Mercantour (mon récit) m'a profondément marqué. Depuis ce 21 juin, j'y pense régulièrement. Je garde toujours à l'esprit cette perte, cette absence. Cette participation à l'Andorra Ultra Trail Valnord m'a fait le plus grand bien. Non par égoïsme ou par égocentrisme. J'avais seulement besoin de retourner en montagne, de courir dans les chemins, de glisser sur les névés, de gravir des cols et de sauter de pierres en pierres...

 

A chaque fois, je voyais les dangers de cette montagne, tant admirée. Le passage près des lacs gelés à flanc de névés, les crêtes aériennes, les rochers acérés... Mais aussi cette beauté qui nous ressource à chaque instant, le Parc Naturel du Comaperdrosa et celui de la Vallée de Sorteny, le Lac d'Engolaster, ces magnifiques balcons pour rejoindre Canillo, le Col d'Ordino, ces encouragements à chaque ravito, et particulièrement au Pont de la Margineda.

 

 

 

Je ne préjuge de rien. Me concernant, j'apprends chaque fois de chaque expérience. Quel qu'en soit le déroulement ou le dénouement. J'ai abandonné une fois un ultra. Lors de mon troisième UTMB, en 2006. A 26 km de l'arrivée, à Trient. Presque la fin. J'avais plus de 13 heures d'avance sur la barrière horaire. Sur les crêtes après Bovine, j'ai été pris dans une tempête de grêle et de neige. Une mauvaise fenêtre météo qui a duré une bonne demi-heure. J'étais là au mauvais moment. J'étais transis de froid et j'ai compris à mes dépends ce que voulais dire « claquer des dents ». Cet abandon, si proche du but (mais finalement si loin....), ce fut un enrichissement personnel. En hypothermie, j'avais dépassé mes limites. Cette expérience m'a énormément servi. Savoir renoncer, c'est courageux.

 

La montagne est un univers merveilleux, qui recèle des trésors cachés, mais aussi des dangers. Le trail est un superbe sport, qui offre des moments de pur plaisir, mais qui peut aussi être dangereux (comme toute pratique sportive d'ailleurs). En pratiquant le trail, et surtout l'ultra-trail, on découvre que son principal adversaire (mais qui est aussi - et avant tout - son allié), c'est soi-même. Lors de ce genre d'épreuve, le mental a un rôle déterminant. Mais il faut toujours être très vigilant à ne pas franchir le point de non-retour.

 

 

Le sacerdoce de l'organisateur 

 

Organiser un trail, c'est un sacré challenge. Un travail de titan, à déplacer des montagnes justement. Que ce soit à la Diagonale des Fous, au Grand Raid du Mercantour, à l'Ultra Trail du Tour du Mont Blanc, au Tour des Glaciers de la Vanoise... où sur cette épreuve andorrane, le cadre est à chaque fois somptueux et engagé, car en milieu montagnard.

 

Les dispositifs de sécurité sont à chaque fois établis. Pour autant, je ne me suis jamais senti en totale sécurité sur un trail. Et c'est une ineptie de croire que c'est possible. A moins de participer à un « urban trail » (cette façon de mettre le terme « trail » à toutes les sauces a le don de m'irriter), le trail (dans sa conception initiale - et qui pour moi prévaut), nous conduit sur des chemins (des « traces ») plus ou moins engagés. C'est ce que nous recherchons, sans pour autant aller faire du skyrunning (dont la typicité est justement bien caractérisée).

 

Un grand merci à tous les organisateurs de nous offrir de si belles épreuves. Que tous les acteurs du monde du trail œuvrent ensemble pour que ce sport préserve son plus bel esprit et les valeurs qui lui sont associées : l'engagement, l'humilité, le respect, la solidarité.

 

 

 Partage d'une passion

 

Ce week-end andorran, je l'ai passé en famille et entre amis. Nous avions une « dream team » de supporters. Pratiquement 36 heures non-stop à nous encourager, pour ma sœur et deux petits gars d'une dizaine d'années. Un bonheur, un ressourcement à chaque passage. Comme le dira Caliméro : « Ils sont 70 % de ma réussite ».

 

Cet Andorra Ultra Trail Valnord m'a conforté sur un point : le fait de partager au maximum son aventure est essentiel. Grâce à Marie-France, Thomas et Alexis, nous avions des nouvelles de Caliméro, de Martxel... des infos sur les parcours. Grâce à Benãt (qui est bilingue), j'avais un compagnon qui me traduisait en direct live les commentaires et conseils des bénévoles qui ne maîtrisaient pas le français. Grâce aux sourires, justement, de tous les andorrans, j'avais une pêche qui ne m'a jamais quitté.

 

Un grand merci à tous les supporters, aux bénévoles et aux organisateurs. Longue vie à cet Andorra Ultra Trail Valnord, qui, je m'en porte garant, a de beaux jours devant lui. Edition 2010 : le 26 juin... avec la pleine lune... never stop exploring. 

 

La petite musique de l'Andorra Ultra Trail Valnord



06/07/2009
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