A chacun son sommet

A chacun son sommet

MONT BLANC : Par Tête Rousse et l’Aiguille du Goûter

  


Me voilà pour la seconde fois au sommet de ce Mont Blanc. 12 ans après ma première ascension en 2001. Et l’impression reste toujours aussi pure. Loin des clichés ou des blasés, le Mont Blanc est unique. Je partage ces moments avec mon compagnon de cordée, rencontré en 2003 lors d’un stage d’autonomie à l’alpinisme à Ailefroide. Avec Jeanfi, on s’était promis de le faire ce Mont Blanc. Ça a failli en 2007. Et ce le fut en ce mois de juillet 2013. Il suffit de se donner le temps. Il ne s’agit pas d’ajouter ce sommet à notre cahier de courses. Le Mont Blanc, pour moi lecteur de livres de montagne, c’était surtout une histoire et un sens. Et j’ai donc eu l’occasion de le faire par deux itinéraires différents. La première fois par la voie des Trois Monts. Depuis l’Aiguille du Midi, par l’Epaule du Mont Blanc du Tacul, l’Epaule du Mont Maudit et le retour par les Grands Mulets. Et cette fois, par l’itinéraire de l’Aiguille du Goûter depuis le Nid d’Aigle.
 
 
15h30, le Tramway du Mont Blanc s’élance depuis Saint Gervais. Très vite, nous prenons de l’altitude. Ce petit train à crémaillère a beaucoup de charme. Nous voilà au Prarion, puis au Mont Lachat. Bientôt le tunnel, et à sa sortie, le terminus. Nous nous retrouvons brutalement à l'arrêt. Là où ont été arrêtés les travaux au siècle dernier, après l'euphorie de ces petits trains des montagnes. Nous récupérons nos gros sacs et nous voilà en direction du Refuge de Tête Rousse. Nous allons rejoindre le camp de bivouac, où nous avons prévu de nous reposer. La neige est bien présente sur le chemin et le parcours est finalement bien agréable. Nous apercevons l’Aiguille du Midi et de nombreux autres sommets. Puis au détour d’un rocher, voilà la fameuse Aiguille du Goûter. La face est impressionnante. Nous rejoignons le Glacier de Tête Rousse et son refuge, puis nous atteignons le camp de base. Il y a au moins 30 tentes déjà installées. Nous trouvons notre place, et bien vite l’abri de fortune est monté. Nous avons fait minimalistes. Donc pas de tapis de sol. Et nous découvrirons dans la soirée, que la neige, c’est froid… et c’est dur comme du béton.
 
 
 

 

 

 

 

 

 
Nous contemplons cette belle Aiguille de Bionnassay. Très aérienne et épurée. L’environnement à ces altitudes est envoutant. Les nuages montent de la Vallée. Le soleil est d’un bleu profond. Bientôt 20h30, et on se croirait en plein après-midi. Le nouveau refuge du Goûter scintille sur l’Arête homonyme. Nous préparons tranquillement nos sacs en entendant les bavardages des nombreuses cordées. Anglais, polonais, italien, russe, et peu de français. Que ce sommet des Alpes Occidentales est convoité. Nous rentrerons nous reposer quelques temps, avant de ressortir pour contempler le coucher de soleil sur la mer de nuages. Jusqu’à 1h30 du matin, je passerai mon temps à tourner et à ne fermer l’œil que de temps en temps. Ce n’est pas l’inquiétude ou l’altitude qui me gênent, mais simplement ce froid insidieux qui remonte du sol. Et ce vent qui plie parfois la tente. C’est la première fois que je fais un bivouac si haut. A 1h45, j’entends de plus en plus de cordées en mouvements autour de nous. Aussi, nous décidons de nous lever.
 
A 2h10, tout équipés et encordés, nous voilà partis à l’assaut de l’Aiguille du Goûter. Le refuge est illuminé sur la corniche. 700 m à grimper de nuit. Il y a déjà quelques cordées dans la face. Nous traversons le camp de base et nous filons dans la neige. La trace file tout droit, pour ensuite bifurquer dans le flanc droit. 20 mn plus tard, nous voilà dans le couloir du Goûter. Ce fameux couloir. Il est tout en neige et vraiment dans des conditions optimum. Nous le traversons d’une traite, pour nous retrouver dans les rochers de l’autre côté. Le sentier est ensuite évident un moment, puis il se perd dans les méandres des roches et éboulis. Pas aisé de trouver l’amorce de l’arête. Nous jardinons un peu et nous serons vite sur la bonne trace avec l’aide d’une cordée qui nous suivait. Après, c’est un sans-faute jusqu’au sommet de l’Aiguille. Nous avançons en contrôlant toujours notre itinéraire. Nous remarquons les roches lacérées par les crampons. Puis les câbles nous servent de guide. Sincèrement, je ne m’attendais pas à un tel morceau. Il faut dire que la nuit déforme grandement la réalité. 
 
 
 
 

 

 
A 4h35, nous voilà à l’ancien Refuge du Goûter, et nous apercevons de nombreuses cordées en route sur le Mont Blanc. C’est grandiose. Des lumières cheminent également sur l’Aiguille de Bionnassay. Nous passons devant le nouveau refuge du Goûter (3817 m). Une dernière cordée (des espagnols) en ressort. Les premières lueurs du jour caressent nos regards. Il s’agit désormais de prendre la direction du  Dôme du Goûter pour passer au Col du Dôme (4237m). Nous progressons bien. Et finalement, nous l’atteignons. De là, la vue sur le Mont Blanc nous apparaît. Cette silhouette est très esthétique. Avec les Bosses et l’arête sommitale. Beaucoup de cordées sont à la descente. Nous sommes dans un timing parfait pour profiter pleinement de cette ascension. Après une courte descente, nous voilà au Refuge Vallot (4362m). Encore un lieu mythique de l’histoire alpine. Nous repartons pour prendre pied sur l’arête des bosses. Nous n’hésitons pas à faire régulièrement des pauses, car l’altitude se fait sentir, même si nous n’avons aucun symptôme du mal aigu des montagnes. Nous dépassons quelques cordées. Ces bosses sont finalement assez raides. Mais les conditions de neige sont vraiment excellentes.
 
 
 


 
 
 
 
Il nous reste ensuite l’arête sommitale. Magnifique, mais au combien longue. Et lorsqu’on aperçoit trois cordées à l’arrêt, c’est le signe que le sommet est tout proche. Et nous y voilà. Le sommet du Mont Blanc n’est pas très large, contrairement à ce que beaucoup peuvent croire. C’est plutôt étiré en longueur. De là, la vision sur toutes les Alpes est stupéfiante. Les mots de Walter Bonatti illustrent très bien cet instant. « L’atmosphère se fait peu à peu subtile, transparente, en harmonie avec un ciel dont le bleu vire progressivement au turquoise. L’air est d’une pureté absolue, sidérale, comme venu d’une autre planète ; j’ai l’impression, à respirer, que j’emplis mes poumons de ciel ». Grand Paradis, Mont Rose, Lyskamm, Cervin, Weisshorn, Grand Combin, Dent Blanche, Jungfrau, Eiger… tous ces 4000 sont sous nos yeux. L’Aiguille du Midi est si petite. Les Grandes Jorasses si impressionnantes. Et que dire de cette vallée de Chamonix, dont les hauteurs sont toutes habillées de blanc. Magique. Le Mont Blanc reste pour moi la montagne de mon imaginaire. Le sommet de « Premier de cordée ». Et nous avons cette chance d’y être quasiment seuls. Deux cordées viennent des Trois Monts. Deux skieurs alpinistes entament la descente. Nous profitons au maximum de ce moment. 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Puis nous nous dirigeons vers la descente. Nous rejoignons cette arête des bosses. La descente est magnifique, même si les paupières se font lourdes. La fatigue est là. Il faut dire que de partir de Tête Rousse exigent 1600 de positif à cette altitude, ce qui n’est pas rien. Nous passons devant le Refuge Vallot. Je profite de la vue sur les Trois Monts, sur la Jonction. Je n’en loupe pas une miette. Nous voilà ensuite au Col du Dôme du Goûter. Il nous reste à rejoindre le vieux refuge et l’Aiguille du Goûter. Nous y allons tranquillement. Une fois au refuge, la vue sur l’arête est surprenante. C’est bondé de monde. Beaucoup de cordées montent au Refuge du Goûter pour y passer la nuit. Je pense sincèrement qu’il ne faut pas venir sur cette voie en plein été. Avec tout ce monde et le risque de chute de pierres, cet itinéraire doit être infernal. Alors que là, tout se présente plutôt bien quand même. Nous prenons le temps de manger un bon morceau, puis nous basculons dans l’arête. Et finalement, le cheminement est assez aisé. De jour, tout semble plus facile. Et avec les crampons, on adhère bien à la paroi et aux roches. Je reste toutefois surpris par ces multiples cordées qui ne sont pas encordées. Ça ne me semble pas très sérieux, car un dérapage est vite arrivé.
 
 
 

 

 

 

 

 
 

 

 
Nous prenons notre temps pour rejoindre le couloir du Goûter, que nous franchirons sans problème. Encore 200 mètres à descendre pour rejoindre notre camp de base, où nous arrivons fourbis. Il reste ensuite à ranger les affaires, à reprendre nos lourds sacs pour rejoindre le Nid d’Aigle et attraper le dernier train. L'Aiguille de Bionnassay est éclatante. Mais la fatigue est là. La neige mole rend la progression plus difficile. Et pourtant, que je suis heureux. Un peu béat, même. C’est l’effet de la haute montagne. Vers la fin, je suis empreint d’une certaine mélancolie. Je serais bien resté là-haut, près du ciel. J’aime ces cimes. Une fois assis dans ce petit train du Mont Blanc, les nerfs se relâchent, la fatigue s’installe. A 19h30, à la Crèmerie du Glacier, à Argentière, on trinque d’une bonne bière. Puis on se régalera d’un bon repas. C’est ça la vraie montagne. Le dépassement et le partage. Entre deux compagnons de cordée, on se comprend d’un simple regard. Pas de bavardages inutiles. Pas de mensonges non plus. On établit une confiance. Une corde, la vie. Au début, nous voulions faire le Mont Blanc par les Trois Monts. Puis on a pris conseils à la Chamoniarde. Et on a écouté. Choisir, c’est renoncer. Les chutes de neiges du mercredi, le fort vent en altitude, les risques de plaques à vent. Du coup, on a choisi de passer par Tête Rousse. Et bien nous en a pris. La journée fut excellente. 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
De ces grands moments de montagne partagée. Depuis mes 3 ans, je vais en montagne. Au fil des ans, le refuge, d’un objectif est devenu un départ. Pour aller vers les sommets. Et j’aime ça. Revenir au Mont Blanc, c’est comme de refaire un Tor des Géants. C’est un voyage en montagne et avec soi-même. C’est en quelque sorte réaliser ses rêves plutôt que de les rêver. Bref, c’est ce que je fais de ma vie en montagne. En toute simplicité. Un grand merci à toi, Jeanfi, et à nos prochaines courses. 
 
 


10/07/2013
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