Chroniques de LA PISTE DES OASIS 09 : Partie II
La Piste des Oasis - Anti-Atlas - 20 au 27 mars 2009
Trail de 100 km en 4 étapes
PARTIE II
Chronique 5. Borderline, au-delà du sel
Un bon repas, une bonne nuit, et nous voilà tous prêts pour la longue, la sélective. Nous avons une bonne heure de route pour rejoindre Tissint. Comme d'habitude, l'ambiance est toujours géniale dans notre 4x4. Hassan nous délivre moultes informations sur son beau pays, Sébastien tape dans les mains au son de la musique berbère, et nous discutons pas mal avec Fred, Philippe, Michel et Robert. Malgré la longueur de ces sections en 4x4, nous passons toujours de bons moments.
Le plat du jour, c'est une étape de 34 km. Le départ est donné le long de la palmeraie de Tissint. Le cadre est absolument superbe. Je découvre la réalité d'un cimetière marocain. Tout en simplicité et sobriété. Nous échangeons avec les autres coureurs. Désormais, il y a une vraie relation entre les « duneurs » et les « non-duneurs ». C'est vrai que nous devons les impressionner. Mais depuis qu'ils comprennent ce que nous faisons, ils nous envient presque. Beaucoup font preuve de beaucoup d'humilité et relativisent la difficulté de l'épreuve, le temps qu'ils mettent… et toutes ces considérations.
Et me concernant (là je parle de ma pomme), je vais également me prendre une sacrée gifle sur cette étape. Moi qui l'abordais presque comme une formalité, tant j'ai l'habitude de courir des trails et des ultras, j'ai oublié une chose : la réalité du désert et la formidable machine de précision qu'est l'organisme humain. Le départ est donné assez tard, vers 10h45. Comme d'habitude, je navigue entre les joëlettes, pour faire des photos. C'est un plaisir, et j'aime cela. En même tant, je fais du fractionné ! J'assure les relais sur ma joëlette, je prends des photos, je taquine Prescilia la gazelle. Nous avançons tous bien. Je vais me répéter, mais l'ambiance est absolument géniale au sein de notre joëlette. Je donne l'extrême onction aux filles, qui me répondent « amen ». (traduction : je leur mets directement dans la bouche une pastille de sporténine !).
Toute la montée vers le col (200 m de dénivelée) est fastidieuse. Ce n'est pas difficile, mais comme c'est jonché de pierres et cailloux, nous ne pouvons pas courir… afin d'éviter de trop secouer notre princesse d'un jour. Au col, pause photo, ravito et bascule dans la descente. Je descends à fond la caisse pour faire des photos. Nous voilà ensuite dans une belle pleine désertique. En plein soleil. Il fait chaud. Nous avançons bien. Nous sommes avec la joëlette de Gwendal. Et nous accompagnons nos deux amoureux (Prescilia et Gwendal ont le béguin…mais chut, c'est un secret !) dans leur périple dans l'Atlas. C'est encore un moment de joie, indicible. Il n'y a pas de mot pour retranscrire ces instants. Il faut les vivre pour le savoir, simplement.
Nous nous ravitaillons bien. Malheureusement pour moi, il n'y a que du sucré. J'ai l'habitude de me ravitailler en salé, mais sur cette épreuve, il n'y en a pas (ce qui est incompréhensible d'après moi). Mes équipiers me charrient sur mes vêtements pénétrés de sel. Je m'en amuse… sans en mesurer les incidences. Nous voilà au changement d'enfants. Échange de princesse. C'est maintenant Jénani qui nous accompagne. Une jeune fille moins expansive que Priscilla, tout en retenue, mais très émotive également - et qui adore être prise en photo. Avec moi, elle est gâtée ! A cette occasion, je bois une boisson réhydratante. Moi qui ne bois jamais ce que je ne connais pas, je l'ai fait. Faute à ma gentillesse (on ne se refait pas), j'ai accepté (après deux refus), la proposition - pleine de bonnes intentions - de Katia. Mal m'en a pris.
Je refais le plein de mon camel back et nous repartons. Je me sens pas super bien et j'ai rapidement des douleurs au ventre. Je me connais et je sais que c'est mauvais signe. Je bois beaucoup d'eau. Mais cela ne passe pas. Je sens mes jambes coupées. Je ne prends plus de relais sur la joëlette. Je trottine. J'ai les bras ballants. Odile me propose un dextrose, que j'accepte. Je bois à nouveau. Mais ça ne va pas mieux. Nous dépassons l'ambulance du Croissant Marocain qui s'est ensablée. Je songe à ce moment là que c'est-ce qu'il risque de m'arriver. Nous retrouvons bientôt Nadette et Margotte (Angélique l'infirmière). Je demande à manger une pomme pour passer ce goût désagréable en bouche. Ça ne m'inspire pas. Nadette court avec nous. Nous poursuivons vers une passe. Il doit rester 6 km. J'informe mes équipiers que ça ne va pas. Nous marchons. Je me sens flotter, en apesanteur, comme dans la chanson.
Vraiment, je ne suis pas bien. Eric me soutient. Nadette également. Odile est inquiète. Il parait que j'ai blanchi et que j'ai les yeux très cernés. Je titube. Je dis à Nadette que je vais m'arrêter au prochain PC. Je viens de réaliser ce qu'il m'arrive. Je fais une hyper glycémie. J'ai perdu pas mal de sel en transpirant et en faisant ces allers retours entre les joëlettes. Du coup, mon organisme manque de sel pour assimiler les glucides et les transformer en combustibles pour les muscles.
La boisson du ravito a tout accéléré et a eu un effet désastreux sur mon métabolisme. Je n'assimile plus le sucre et je me trouve dans la situation d'un diabétique qui risque de faire un malaise à tout moment. Au PC, je suis pris en main par Angélique et Eric. Je m'allonge, mais rien y fait. Mon état n'est pas bon. Je monte dans le 4x4 pour terminer les 4 derniers km à bord. Le parcours me semble long. Je suis content de pouvoir m'allonger à l'ombre d'un buisson. Cela fait du bien. Je me relève pour aller encourager l'arrivée de la première joëlette. C'est pénible, mais j'y tiens. Je me rallonge aussitôt. Il me faudra une bonne heure pour récupérer un peu.
J'aurai l'occasion de voir un 4x4 ensablé (c'est la journée) et de préparer le campement avec Sébastien. En effet, ce soir, c'est bivouac. Et Pilou est borderline. Merci à mes équipiers, à Eric et à Angélique pour leur soutien. Poussinette a une ampoule à un de ses pieds. Une première pour elle... ça nous fera de la lumière pour le bivouac...
Chronique 6. Des visages en paysages, impressions marocaines
Au campement, nous avons droit à un repas sous une tente berbère. Assis sur des coussins, c'est assez sympa. Au début, je crève (à tous les sens du terme) de chaud, mais finalement, j'arrive à manger un peu et ça me retape. Mais surtout, les jeunes nous font la surprise de quelques mots lors de cette soirée. Des témoignages tellement riches et émouvants, que rien qu'à y repenser, les larmes me montent aux yeux. Il faut vivre de tels moments pour comprendre ce que font les Dunes d'Espoir. A cette occasion, les coureurs de la Piste des Oasis ont tous pu comprendre et être témoins de la force de ces jeunes handicapés. Car avoir de la pitié pour un handicapé, c'est facile, c'est commun. Mais avoir de l'estime, c'est tout autre. Lorsqu'on voit ce qu'ils sont capables de faire et d'endurer, sans jamais se plaindre, ni râler, c'est une vrai leçon de vie.
Après ces moments si forts, nous sommes tous allés au campement. J'ai couché Sébastien, tellement heureux de ce bivouac en plein désert, puis nous avons tous bu un petit verre offert si gentiment par Fred et Gilles, suite à leur périple express en Guyanne pour le Marathon de Kourou. Je me suis allongé dans le sable, j'ai regardé les étoiles scintiller dans le ciel et je me suis laissé bercer par « et 1, et 2 et Dunes d'Espoir »…
Au réveil, Sébastien dort comme un loir. Je le laisse dans ses songes. Puis, chacun sort de sa tente. Il fait un temps magnifique. Pour certains, la nuit fut mouvementée. En partie à cause de la tempête de sable de la veille, d'autres pour cause de ronflements intempestifs ! Moi, j'étais tellement HS que j'ai super bien dormi. Je me sens beaucoup mieux, même si j'ai toujours cette sensation si étrange de « flotter ». Un bon petit déjeuner… puis nous reprenons notre chemin… en 4x4. Aujourd'hui, il s'agit d'une journée de transition. Pas de course. Tant mieux. Cela me permet de me rétablir. Direction le Massif Siroua, pays du Safran. Vers Tazenakh, nous prenons notre repas, habituel buffet froid composé de crudités, de thon et de fruits.
Nous arrivons à l'Auberge Askaoun de Taliouine où nous nous installons dès que possible. Comme dans une ruche, chaque « duneur » s'active à une tâche et rapidement, tout le monde a pris ses marques. Et comme à l'accoutumée, les regards des jeunes sont remplis de joie. Les visages des coureurs et des accompagnatrices sont marqués par la fatigue. Un superbe repas - soupe marocaine, méchouis, couscous, pâtisserie - clôture cette journée riche d'impressions marocaines et une soirée folklorique apporte une touche festive. Mais bien vite, tout le monde prend la direction des lits, pour un repos somme toute, bien mérité.
Chronique 7. Les plateaux du Siroua
Dernière étape de cette Piste des Oasis. Et oui, déjà. Cette fois, nous avons droit à une étape de montagne, sur une piste. Le départ se déroule à proximité du Lac d'Aoulouz dans le Massif du Siroua. Nous partons pour 1000 m de dénivelé pour approximativement 20 km. Eva est notre première passagère. Et elle est particulièrement heureuse de faire équipe avec nous. Je monte sur un promontoire pour faire une vidéo panoramique du départ, tant le cadre est idyllique. Et cette étape va tenir toutes ses promesses. C'est un vrai enchantement pour tous. Le terrain est facile et stable. Les CP courses sont situés dans des villages berbères et les habitants y sont associés.
A chaque fois, nous sommes accueillis avec enthousiasme, encouragés et salués. Les enfants chantent. Les paysages sont superbes. Nous profitons de tout comme d'un nectar, tant le spectacle offert est grandiose. Ce parcours concentre tout ce que nous sommes venus chercher en participant à une telle épreuve : l'effort, la solidarité, le dépassement, l'échange, le plaisir. Nous sommes régulièrement avec des coureurs, ce qui est particulièrement plaisant. Nous voyons toutes les joëlettes progresser dans la montagne, avec le Haut Atlas en panorama. Je me remémore l'accroche de la compagne publicitaire « Le Maroc, revenir l'âme grandie ». C'est exactement le sentiment ressenti lors de ce périple. Même s'il ne faut pas faire abstraction d'une grande misère et d'une pauvreté, c'est un pays chaleureux et sensible, avec une dimension humaine et spirituelle.
Au relais, c'est Sébastien qui monte sur la joëlette. C'est un bonheur à voir, tant il est heureux. Il tape des mains, m'encourage avec des « aller Pilou » lorsque je suis à l'avant de la joëlette. Le parcours est de toute beauté. La joëlette est climatisée. Nous passons devant une école. C'est la pause casse croute : tous les enfants sont là pour nous encourager. Un vrai bonheur. Nous poursuivons notre bonhomme de chemin.
A 1 km avant la fin, toutes les joëlettes s'attendent pour un final tous ensemble. Encore un bon moment d'émotion. Tous les participants sont réunis pour nous encourager. Nous passons tous la ligne et voilà la fin de cette Piste des Oasis. Tout le monde s'embrasse, les accolades sont nombreuses. Les jeunes les plus sensibles (dont Prisicilla bien sûr) sont très émus. Puis tout le monde se restaure et profite de chaque instant. Et oui, ça sent la fin. Des gars réinstallent les joëlettes sur les toits des 4x4. Les enfants remontent à bord et nous reprenons la route.
Petite pause à l'Auberge pour charger les sacs et direction Marrakech. Encore un long et fastidieux trajet. La musique berbère rythmera le voyage, et malgré la fatigue, Sébastien trouvera de l'énergie pour taper dans les mains. Nous quittons le Massif du Siroua. J'échange avec Hassan au sujet du Haut Atlas et du Toubkal. Ça donne vraiment envie de revenir dans cette belle région.
L'Ultra Trail du Toubkal pourrait bien s'intégrer un de ces jours dans mon programme. Deux petites pauses touristiques jalonnent notre retour vers la Cité Rose. L'occasion d'acheter quelques produits à base d'Argan. La circulation à Marrakech est... épique ! Nous passons devant la superbe Medina (19 km de remparts la ceinturent) et nous voilà à l'Hôtel Oudaya vers 21h30 pour y passer la nuit.
Chronique 8. Il n'est de richesses que d'hommes
Vendredi 27 mars 2009. Dernière journée au Maroc. La matinée est consacrée au rangement du matériel. Certains s'occupent des enfants, d'autres profitent un peu de Marrakech. Avec Michel, Philippe et Robert, mes « compagnons » de 4x4 nous avons fait une petite excursion aux souks de la Place Djemaa el-F'na, pendant que Fred tenait compagnie à Sébastien. Une répartition des rôles qui illustre bien ce qu'a été cette semaine. En effet, cette participation des Dunes d'Espoir à la Piste des Oasis s'est passée dans de superbes conditions. Et pour une simple raison : tout était très bien organisé et chacun y a mis du sien pour que tout se passe bien.
Vers 11h00, nous nous retrouvons tous pour la remise des prix, un moment fort pour chacun d'entre nous. Beaucoup de bonheur pour les enfants, beaucoup de joie, de la tristesse également (lorsque j'ai injustement été « déclassé » des jaunes devant tous), mais surtout, une aventure qui restera gravée dans nos mémoires pour longtemps.
Un grand bravo à vous les jeunes, Eva, Prescilia, Gwendal, Audrey, Sébastien, Jénani, Nuvan, et toi Jean-Bernard, pour votre joie, votre courage, votre gentillesse, votre endurance. Vous nous avez donné une vraie leçon de vie. En vivant une semaine entière à vos côtés, en formant une équipe au sein des joëlettes, unis dans l'effort, j'ai pu constater votre résistance, votre combativité et votre enthousiasme.
Je vous souhaite de vivre pleinement votre vie, de la brûler par tous les bouts, comme vous l'avez fait pendant cette Piste des Oasis. Et comme l'a dit un gars marocain, vous n'êtes pas des enfants handicapés, vous êtes des enfants tout simplement, des enfants différents. C'est le regard des autres, c'est l'intolérance, c'est le rejet… qui rendent vos vies et celles de vos familles plus difficiles.
Je vous souhaite tout le bonheur du monde. Que cette semaine marocaine vous ressource dans vos moments sombres, que l'abnégation dont vous avez fait preuve vous aide à surmonter les obstacles, que vos joies et vos rires en pays berbère irriguent vos yeux, à défaut de vos larmes. Nous penserons bien à vous, petits princes et princesses des Dunes d'Espoir.
Je félicite les membres du Bureau et particulièrement Isabelle et Gilles, tous les coureurs et les accompagnateurs pour ce projet exemplaire. J'espère avoir été à la hauteur pour cette aventure et n'avoir pas déçu les attentes placées en moi.
Merci aux organisateurs de la Piste des Oasis d'avoir accueilli les Dunes d'Espoir. Merci à tous les participants de cette épreuve. Merci aux chauffeurs de 4x4. Merci aux sponsors qui ont donné vie aux rêves de 8 jeunes handicapés. Merci à tous mes équipiers de cette Piste des Oasis.
Dans un monde si matérialise, il n'est de richesses que d'hommes.
Bien à vous tous. Pilou des Sables
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