TRAIL DE GUERLEDAN 2011 : En terres enchantées
J’aime venir en Bretagne. C’est une terre à l’histoire si riche de contes, de légendes et de faits d’armes. Et l'accueil des Bretons est toujours si chaleureux. Au cœur de la Contrée des Rohan se trouve le site de l’Abbaye de Bon Repos. Une abbaye cistercienne qui illustre bien les aléas qu’a connus cette belle région des Côtes d’Armor. Depuis 13 ans déjà, chaque week-end de Pentecôte, ce site magique accueille le Trail de Guerlédan. Le grand rendez-vous du Trail dans ces terres bretonnes. Un trail qu’il faut appréhender avec sagesse, tant le superbe parcours est piégieux à souhait.
Le Trail de Guerlédan fait selon moi partie du tiercé des plus beaux trails bretons, avec le Glazig et le Bout du Monde (mon top des trails). Cette épreuve s’inscrit pleinement dans ce que je définis encore comme l’esprit trail : l’accord parfait entre un environnement, une organisation et une ambiance. Dans l’offre pléthorique d’épreuves de nos jours, cela mérite tout notre respect, tant l’appel des sirènes du marketing et du sport business hurlent au loin.
En 2003, c’est sur le Trail du Guerlédan (et feu le 18 km), que je me suis essayé au Trail. Ce fut un peu laborieux… mais disons que depuis j’y ai pris goût. Le Trail du Guerlédan reste pour moi une référence de ce que doit être un trail : une épreuve de course hors sentiers battus, avec des passages techniques, de la difficulté, de l’engagement… mais aussi une fête pour tous, un échange avec les bénévoles et les coureurs, un prétexte à la découverte et à de bons moments partagés.
Pour toutes ces raisons, le Trail du Guerlédan est un véritablement enchantement pour tout un chacun qui apprécie l’alchimie avec la nature, qui aime l’effort gratuit, et qui – surtout – sait prendre les choses avec philosophie. Car même sous la pluie, que la Bretagne est belle ! Organisé dans le cadre d'un week-end sports nature, le Trail s'accompagne de nombreuses activités, notamment pour les enfants (escalade, tir à l'arc, acrobranches, canoë...) et les accompagnateurs.
58 km en pleine nature
Près de 800 participants ont répondu à l’invitation des organisateurs de ce Trail du Guerlédan. Il faut dire qu’au fil des années, ce trail breton a acquis une renommée nationale qui attire les meilleurs coureurs de trail. Sachant que la Bretagne concentre déjà par mal d’excellents traileurs, cela donne une petite idée des forces en présence. L’épreuve sert de plus de support à la cinquième manche du National Trail Running Cup 2011 Endurance Salomon. Le 58 km s’inscrit dans un programme de plusieurs courses, auxquelles tout le monde est convié, même les chiens.
A 8h30, des applaudissements chaleureux viennent saluer les mots de Jean-Claude, le jovial animateur du Trail du Guerlédan. Jean-Claude est là, avec nous tous, pour partager ces moments de sport, tout en luttant contre sa leucémie. Bravo à toi, à ton courage et à ta générosité de chaque instant. Quelques minutes plus tard, c’est le départ pour ce grand huit de 58 km. Le lâché de fauves est impressionnant, ça me fait penser à une course de lévriers ! Dire qu’on part pour près de 60 bornes quand même.
Je suis en grande forme, je le sens bien. Du coup, mon âme de compétiteur, pas souvent de sortie, va vite prendre les devants ! Je me place donc dans les cinquante premiers, histoire de ne pas me laisser trop vite distancer. Les premiers km sont extrêmement roulants ! Nous courrons sur le chemin de hallage, le long du Canal de Nantes à Brest.
Un passage par le Bois de l’Abbaye, puis celui de Gouarec, permet bien vite de baisser de régime. Je me cale dans un rythme qui me convient bien, faisant fi des accélérations de certains. Nous revoilà à nouveau le long du Canal… pour atteindre le village de Gouarec au km 10. Les encouragements sont nombreux au niveau du Pont, tout comme la bruine bretonne qui commence à s’intensifier…
Trail pluvieux, trail heureux
A partir de Gouarec, il s’agit désormais d’atteindre les landes de Liscuis. Une première montée nous fait prendre - un peu - d’altitude. Dire qu’il y a deux semaines, j’étais au Marathon de Montagne de Zegama en plein cagnard, sur un profil bien montagnard. Et là, c’est plutôt des collinettes… mais qu’est ce que ça demande comme énergie. Que des relances et du rythme. Et c’est sur ce type de terrain que je réalise combien je suis en forme. Je me laisse doubler par quelques gars qui semblent, soit avoir oublié qu’ils partent sur un 58 km, soit qui ont débranché le cerveau, c’est au choix.
Les fougères, bruyères et ajoncs sont désormais notre environnement. Le vent se lève un peu sur ces éperons rocheux, d’où nous apercevons le site de départ. Une petite virgule nous conduit au dessus des Gorges du Daoulas. Ça doit faire déjà près de 16 km de parcourus. Une belle descente parmi les racines, un bref coup de cul… et nous voilà à nouveau face à un nombreux public au niveau du Viaduc. Une portion très roulante s’offre à nous. C’est vraiment dans ces moments là qu’il faut rester très vigilent et ne pas trop s’emballer… car pour l’instant, on n’a pas encore fait grand-chose.
A l’écluse de Bellevue, km 19, c’est le premier ravito. Je suis vraiment bien. Je me dis qu’à mon prochain passage à ce pont (km 52 donc), si je pouvais encore avoir du jus, ce serait nickel ! Car désormais, c’est un beau tour de près de 33 km autour de ce Lac de Guerlédan. Et il n’y a pas moyen de resquiller… à moins d’être bon nageur. Ce qui n’est ni mon cas, ni mon envie de faire des « coupes » !
Le parcours emprunte la rive sud du Lac pour nous mener jusqu’à l’Anse de Sordan. Les chemins sont techniques à souhait, alternant racines, pierres et roches couvertes de mousse. En sous-bois, l’humus rend le terrain léger, on a la sensation de courir sur de la moquette. Ce sont des passages très agréables à courir. D’ailleurs, depuis le départ, je n’ai pas encore marché… ce qui démontre bien combien ce trail se court réellement.
Ensuite, nous rejoignons une piste forestière dans le Bois du Pouldu. Une piste assez monotone, le seul passage de ce trail qui m’a vraiment semblé fastidieux. Heureusement, ça n’a pas duré bien longtemps. A l’approche du Barrage, la trace bascule dans une descente légèrement technique qui nous guide vers le petit barrage de Guerlédan, que nous franchissons pour atteindre la rive nord.
Le Point de Vue et le début des difficultés
En quelques foulées, me voilà arrivé au km 33, au Ravito Point de Vue. Nous sommes près de Mûr-de-Bretagne, à l’extrême Est du Lac. Je retrouve mes accompagnateurs qui m’encouragent. A partir de ce point, on rentre vraiment dans le dur : les 25 km à venir sont costauds. D’ailleurs, un bénévole me dira « Bravo, c’est bien ! Le plus facile est fait !!! ». Il s’agit déjà de rejoindre l’Anse de Landroanec. Sur toute cette portion, il ne faut pas vaciller et continuer à garder un bon rythme. Ne pas se laisser engourdir par le calme du Lac.
Je commence à remonter plusieurs gars qui ont largement surestimé leurs capacités. Ils se sont laissés happer par le mouvement… mais je crois bien qu’ils le regrettent amèrement. C’est vrai que le final va leur sembler bien long. Je les encourage, car je sais combien il est dur de se retrouver dans ces galères. Nous passons des passerelles sur pilotis, des champs. Je me sens toujours aussi bien. Je suis vigilant à bien boire, car avec ce temps si humide, on a tendance à négliger l’hydratation, ce qui est une grossière erreur. De nombreux coureurs auront des crampes pour cette unique raison.
Nous voilà désormais dans le Bois de Caurel. L’environnement est magnifique. La végétation est luxuriante, les verts sont vifs et tendres, les chants des oiseaux rythment mes pas. Il s’agit ici d’être vigilant, car le parcours est semé d’embuches entre les racines glissantes et les pierres acérées. On retrouve toute la technicité de certains terrains de montagne. Ma progression est plus prudente, pour autant, mon rythme reste vraiment bon.
J’approche de Beau Rivage, puis du km 42. Une fois au croisement de la route (repéré la veille), je sais que le ravito n’est pas loin. Les applaudissements sont nombreux. On m’annonce dans les 25 premiers. Je commence à me dire sérieusement que je suis en train de faire une bonne course. Il reste 16 km. L’objectif est de bien les gérer, pour pouvoir bien finir la dernière descente technique après les Forges.
A l’approche du repos
Passé le ravito, le parcours présente une section assez piégeuse alternant sous-bois et landes de fougères. La trace est plus étroite. Je ne baisse pas de régime et continue ma progression dans ce cadre toujours aussi magique. J’aperçois les rives apposées du Lac, que j’ai foulées un peu plus tôt dans la matinée. C’est grisant cette sensation de faire le tour d’un si beau Lac, un peu comme on fait le tour d’une montagne.
Sur les hauteurs, je domine le Lac de Guerdélan, d’une beauté sombre. Comme en montagne, la luminosité agit sur la couleur de l’eau. J’avais déjà vu le Lac du Guerdélan d’un bleu azur, là, il est presque noir. La pluie redouble pendant quelques instants. Par chance, la température ne baisse pas, et donc, je n’ai pas froid. Sur ce passage à découvert, il ne faut pas trainer pour autant. Il me reste une dernière descente pour atteindre l’Ecluse de Bellevue et son ravito. Me voilà au km 52.
Je fais un peu le plein de salé, biscuits d’apéritif et fromage, et me voilà à l’assaut des 6 km. Pour être franc, l’arrivée aux Forges de Salles sera un peu laborieuse. J’ai les jambes qui commencent à piquer un peu. Je ne suis quand même pas habitué à courir si longtemps (tout le paradoxe des gars qui font de l'ultra trail comme moi !). Mais tout va bien quand même. Au niveau des Forges, je termine la côte en marchant, avant de bifurquer dans la forêt. Là, un petit groupe m’accueille de ses chaleureux encouragements. Ça me rebooste un bon coup et me voilà parti pour la dernière ligne droite !
Une bonne section rapide dans le Bois du Fao, puis il me reste une dernière grosse montée, qui ne me pose aucun problème. C’est de la petite montagne en fait. Puis une belle descente relativement technique pendant laquelle j’entends le speaker du site d’arrivée. Je déroule au maximum et me voilà bientôt à l’approche du site de Bon Repos. Passage du Pont, puis de la rivière. J’y vais franco dans la flotte… quelques foulées et je franchis la ligne d’arrivée.
5h40 pour 58 km et 1500 d+, 20ème. Je suis ravi de ce Trail du Guerlédan 2011. On m’annonce au micro. Au contrôle, quelqu’un dit : « c’est Piloumontagne ! ». Amusant de voir combien notre passion est partagée. Je me change et me ravitaille d’un excellent repas et d'une bonne bière. L'adorable petite puce de Laurent me dit « T'as bien joué !!! ». Mes compagnons d’aventure, Philippe, Nicolas, puis Laurent arrivent les uns après les autres. Fatigués et repus, certes, mais tous très satisfaits de leur course. Ce Trail de Guerlédan est exigeant. Mais grâce aux organisateurs, aux bénévoles et aux supporters, cela reste toujours pour moi un plaisir d'y participer. Merci et Bravo à tous.
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