A chacun son sommet

A chacun son sommet

GRAND PARADIS par le Glacier LAVECIAU

 

« Le bonheur n’est vrai que partagé », disait Christopher Mac Candless. Cela s’applique parfaitement à la montagne. Le plaisir et la joie sont décuplés dès lors que l’on partage ces moments en pleine montagne. J’aime préparer les ascensions. Lire les topos, se projeter dans les voies, rechercher les historiques. Et aussi aller vers l’inconnu, pour l’aventure que cela représente. Et cette fois, j’ai pu aller au Paradis. Ce sommet du Gran Paradiso, je l’ai en tête depuis si longtemps… Je l’avais revu lors du Tor des Géants en septembre 2011. Et nous avons pu contempler le magnifique panorama en son sommet, le 9 août 2012. Deux belles cordées, composées de Romain et d’Estelle, et de Didier et moi-même. 

 

 

En direction de la face Nord-Est du Grand Paradis

 

 (tous les montages peuvent êtres agrandis en cliquant dessus)

 

Le Grand Paradis peut s’aborder, soit par sa voie normale (Refuge Victor Emmanuel), soit par le Glacier Laveciau (Refuge Chabod). C’est cette seconde option que j’ai choisie, suite à quelques conseils avisés. Le point de départ se situe dans la Vallée de Valsavaranche, au lieu dit Le Pont. Il faut compter 2h à 2h30 de marche pour rejoindre le Refuge Chabod à 2732 m d’altitude. Le sentier est fort agréable. Au début dans les sous-bois, puis rapidement, la vue sur le Petit et le Grand Paradis se dévoile. Pendant toute cette marche d’approche, nous allons pouvoir les contempler. Le Refuge Chabod est un refuge privé de bonne facture. Bien sûr, vu l’engouement pour l’ascension du Grand Paradis (l’un des 4000 les plus abordables des Alpes), on n’y retrouve pas la convivialité habituelle des refuges. Mais l’accueil est plutôt sympathique et la restauration est excellente. Bref, c’est un très bel endroit pour passer une soirée en montagne… et admirer la beauté du coucher de soleil sur la face nord du Grand Paradis. J’aime particulièrement ces instants passés à lire la montagne, à essayer de trouver les passages. A discuter avec les autres cordées, à échanger sur ses projets et ses rêves. L'ambiance de la haute montagne.

 


 

Depuis le Refuge Chabod sur le Glacier Laveciau


 

Vers 4h40, nos deux cordées prennent la direction de la moraine. Il fait particulièrement doux… et on peut voir toutes ces loupiottes devant nous qui progressent. Notre rythme est très bon. A l’approche du Glacier Laveciau, nous nous équipons du matériel nécessaire. La montagne est sèche. Le Glacier est assez crevassé, mais les ponts de neige sont encore bons. Romain nous a fait la veille un rappel complet sur les techniques de corde. Ça a fait du bien, car c’était bien loin dans ma mémoire. Nous voilà donc encordés. Les lumières du jour rendent cet environnement magique et somptueux. Un univers de glace, de roc et de neige. Nous avançons avec prudence, corde tendue. Bien vite, les premières crevasses. Rien de bien impressionnant. Pour autant, la vigilance est de rigueur. Dans une belle rupture de pente, me voilà face à une crevasse bien plus importante. Il va falloir sauter. Tout le monde passe sans problème. Dire que certains se promènent sur les glaciers sans corde. Le 20 août, un alpiniste, non encordé, y trouvera la mort. La montagne est un linceul. La vue sur toute la chaîne du Mont Blanc est superbe. Nous continuons en direction du col du Bec de Montcorvé (3 851 m). 

 

 

Au sommet du Grand Paradis (4061 m)


 

La Vierge du Grand Paradis est désormais bien visible. Nous rejoignons la voie normale. Rapidement, nous voilà près de la corniche finale. Pas de rimaye cette année. Il reste un court ressaut rocheux pour atteindre le sommet. Un peu d’assurage et nous voilà sur ce formidable promontoire. La vierge d’un blanc immaculé est magnifique. Nous sommes seuls au sommet. C’est un privilège à cette époque. Nous profitons pleinement de ces instants à plus de 4000. Nous échangeons quelques mots, mais surtout, par de simples regards, nous savourons simplement cet univers. Puis, nous entamons la descente. Nous allons croiser de nombreuses cordées. Il faut dire que nous avons été bien matinaux. Et notre condition physique nous a permis de faire la course dans un temps très correct. A proximité du Gendarme de Montcorvé, nous faisons une pause casse croûte. Puis vient le temps du retour dans la Vallée… et des surprises. Notre itinéraire nous conduit par la voie normale sur le Glacier du Grand Paradis. La trace est évidente et bien marquée. Puis, dans la pente, elle se dilue. Nous jardinons un peu… pour finalement prendre pieds sur les rochers. Nous ne les quitterons plus jusqu’au Refuge Emmanuel (2732 m). 

 

 

Retour par le Refuge Victor Emmanuel


 

En fait, le Glacier du Grand Paradis est trop en glace, et la voie normale empruntait une barre rocheuse en amont depuis quelques jours déjà. Je ne le savais pas. Bref, ça nous a un peu rallongé… mais on s’est fort bien débrouillés finalement. Disons seulement que si c’était à refaire, je ferai plutôt un aller-retour Chabod-Grand Paradis, car la voie normale n’offre pas de vue intéressante sur le Grand Paradis. C'est essentiellement de la roche et des cailloux, alors que l'autre versant est magnifique. Arrivés au refuge Victor Emmanuel, c’est la foire. Il y a un monde fou. Ce n'est jamais très agréable de se retrouver dans les bruits et les cris après ces moments de plénitude de la haute montagne. Nous nous empresserons de le quitter. Le retour dans la Vallée est bien agréable. Les images et les souvenirs se gravent déjà dans nos têtes. Un bien beau sommet ce Grand Paradis avec ce panorama des Glaciers de la Vanoise au Mont Blanc. Une belle course d’alpinisme, pour faire partager, à mes amis, les altitudes d’un 4000. Une sortie de plus de 10 heures à tous les niveaux de la montagne. Partir de la plaine pour atteindre 4061 m, en passant par les sous-bois, les alpages, les blocs, les moraines, les glaciers. Un vrai bonheur simple.

 

 

 "Je ne recherche pas d’éphémères sensations extrêmes qui engendrent nostalgie et frustration.

J'ai toujours besoin de cette approche de la montagne par des moyens traditionnels pour m'intégrer au milieu,

me confondre avec lui, être en totale harmonie, et appréhender sereinement l’ascension à venir. Cette fusion avec la montagne me procure une plénitude qui perdure, rebondit dans ma vie quotidienne,

une force intérieure qui permet de mieux comprendre la vie." 

Lionel Daudet



29/08/2012
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