A chacun son sommet

A chacun son sommet

COURSE DES SEIGNEURS 2013 : L’Enclos des Roses

 
  
D’une cité de pierres à une citadelle du vertige, d’un bouquet de roses à des bosquets de cistes, de chemins de cailloux à des traces de sangliers… voilà mon voyage lors du week-end de Pentecôte en Pays Cathare. Tout a commencé lors du Gruissan Phoebus Trail où j’ai découvert un prospectus sur les Trails Cathares dans les Pyrénées. J’aime cette région entre la Méditerranée et les premiers contreforts pyrénéens. Du coup, me voilà inscrit pour la Course des Seigneurs, un trail de 48 km et un peu plus de 3000 m d+. Le long week-end de Pentecôte sera donc l’occasion d’une immersion dans ce Pays Cathare, depuis une visite de la Cité de Carcassonne (et la dégustation d’un excellent cassoulet, la veille du trail… on ne se refait pas) jusqu’aux Châteaux de Peyrepertuse, de Quéribus et de Padern.
 
La Course des Seigneurs fait une belle boucle depuis le charmant village de Cucugnan, en passant par de superbes crêtes et des châteaux en ruine. Un parcours très varié et très exigeant. Les 3000 mètres de dénivelé positif se décomposent en une succession de bosses et de côtes, dont parfois, le négatif (la descente) est encore plus ardu. Bref, c’est du vrai trail comme on l’aime. Certaines portions du parcours ont été ouvertes tout spécialement pour le trail. Un travail colossal de débroussaillage pour rendre possible notre passage. Comme me le dira une bénévole lors du repas d’après course : « seuls les sangliers empruntaient ces traces »... et nous avons ainsi eu droit à une visite complètement inédite de cette contrée chargée d’histoire.
 
Les falaises calcaires blanches rappellent les montagnes de la Sainte Victoire des Alpes de Haute Provence et celles d'Aizkorri dans les Pyrénées Espagnoles. Deux hauts lieux du skyrunning, pratique de la course de montagne que j'affectionne et qui nous permet de tutoyer les cimes. La Crête de la Quille et celle de Quéribus n'ont en effet rien à envier aux sections les plus techniques du Trail de la Sainte Victoire ou celles de Zegama. Il s'agit là de cheminer de roches en roches, avec parfois des profils très acérés, rendant toute chute assez dangereuse. La particularité de la Course des Seigneurs, c'est cet environnement enchanteur. Cette sensation de courir sur les fleurs, tant la végétation est abondante et riche de mille couleurs et mille parfums.
 
 

(cliquer sur le profil pour l'agrandir)
 
A 7h30 précises, près de 120 participants se lancent sur ce parcours en Pays Cathare. Les 12 premiers kilomètres, jusqu’à Rouffiac-des-Corbières sont une bonne mise en bouche. Le temps est ensoleillé et les paysages à l’avenant. C’est particulièrement agréable pour mois qui suis venu de si loin pour savourer ce trail. Très vite, nous empruntons de beaux sentiers et nous voilà parmi les cistes. Ces belles fleures mauves au cœur jaune que j’affectionne. Les odeurs embaument notre cheminement. Dans ce Massif des Corbières, je savoure l’instant présent. Je me remémore cet excellent Corbières, justement, bu lors d’un repas à la Cité de Carcassonne. Un vin du Mont Tauch (à quelques lieues de là) portant le nom « d’Enclos des Roses ». Cette fameuses rose que je suis venu chercher ici-bas.
 
 
Au km 12, nous voilà au premier ravitaillement… qui annonce la monté vers le Château de Peyrepertuse. Les bénévoles sont accueillants. J’amorce cette belle montée. Je suis dans mon élément, heureux de retrouver du vrai dénivelé. Mes songes m’emportent vers la haute montagne. Me voilà du côté de Saint Nicolas de Véroce pour la Montagn’Hard (6-7 juillet). Je songe au Mont Blanc, au Mont Rose, au Cervin… tous ces sommets que je verrai lors du Tor des Géants. Un heureux hasard me fait arriver dans les pas de Marc (Villa), le Président de France Skyrunning. C’est un plaisir de se revoir. D’autant que c’est inattendu. La dernière fois, c’était lors de l’Olympus Marathon en Grèce. Nous arrivons ensemble au Château de Peyrepertuse.
 
Cette forteresse royale se situe sur la ligne frontière entre la France et l’Aragon. Les pierres se confondent avec la couleur de la roche. Nous y pénétrons pour un contrôle de pointage. Et j’y reviendrai le lendemain pour le visiter calmement, grâce au billet d’entrée remis gracieusement avec le dossard de la course. Il en sera de même pour le Château de Queribus. Quelle généreuse attention des organisateurs. Bien vite, nous entamons une belle descente pour rejoindre  Duilhac. Certaines portions sont sauvages et très pentues. Nous voilà à Duilhac pour un ravito. Km 17. Il s’agit d’atteindre la Crête de Quille. Une montée progressive pour rejoindre ces hauteurs, avec la vue sur le Château de Quéribus. Toute cette portion est magnifique.
 
 
Je la parcours avec un gars qui a fait la première édition (tout comme moi) de l’Andorra Ultra Trail en 2009. Nous discutons longuement de notre passion commune pour la course de montagne… et le trail… bien avant d’ailleurs que l’activité de courir en pleine nature se nomme « trail ». Dans la montée finale de la Crête, je le laisse filer. C’est un gars du coin qui a déjà pas mal de dénivelé dans les jambes, ce qui n’est pas mon cas ! L’arrivée sur la Crête est somptueuse. Je cours sur les fleurs. C’est énergisant. Bientôt, un beau troupeau de vaches… que je prends le temps de contempler. Quelle chance de pouvoir s’enivrer ainsi de ces altitudes.
 
 
Une amorce de descente signale la fin de cette formidable Crête. Et là, je savoure pleinement l’humour des organisateurs (et des traceurs). Me voilà au début de la « piste de ski ». Je me doutais bien qu'il n'y avait pas de station dans le coin. Et je comprends bien vite la situation. Il s’agit d’une descente droit dans le pentu, parmi une végétation abondante, puis dans un pierrier. Mieux faut y aller franco et se laisser aller, plutôt que de se retenir et de se ramasser. Je m’accroche aux branches et aux troncs pour ralentir ma vitesse… et je file. Les cuissots sont mis à rude épreuve sur ce trail. Arrivé dans le champ, la descente infernale touche à sa fin… Nous voilà sur une piste… et c’est presque un soulagement pour se remettre de ce passage. 
 
 
Une telle descente laissera des traces sur les organismes (et j’en aurai d’ailleurs quelques courbatures dans la semaine suivante). La piste nous conduit alors jusqu’au pied du sentier Cathare qui permet de rejoindre le Château de Quéribus. Je cours à un bon petit rythme. A l’amorce du sentier, je passe en mode marche sur cette terre ocre. Bien vite, voilà le ravitaillement du parking du Château de Quéribus. Il restera encore quelques mètres de dénivelé pour approcher les murailles de Quéribus, que nous contournons par la gauche pour rejoindre une Crête qui domine le Château. Tout comme le Château de Peyrepertuse, Quéribus est bien antérieur au Catharisme. Pour autant, on l’associe toujours à cette période des Cathares, tant la Croisade contre les Albigeois a marqué notre esprit collectif.  
 
 
Quéribus fut en effet le dernier bastion des « Bonnes gens » à être tombé aux mains des croisés en 1255. Et tout comme à Montségur, la tragédie des Cathares nous a marqué tous. Le Château de Quéribus a pourtant continué à jouer son rôle de défense de la frontière entre la France et l’Espagne jusqu’au Traité des Pyrénées. Pour moi qui aime l’histoire, c’est un privilège de pouvoir fouler « un livre d’histoire » d’une seule traite lors d’un trail. Un peu comme le superbe « Trail des Citadelles » organisé à Lavenalet par Michel (présent à la Course des Seigneurs) et son équipe. Toute la Crête au dessus de Quéribus nous offre un panorama somptueux sur les Pyrénées enneigées. Je profite de la belle descente. Les 13 derniers km sont loin d’être une formalité. 
 
 
Et il faut dire que je commence à accuser la distance. Faute à un entrainement encore insuffisant à cette période de l’année. Il faut dire que notre Anjou est sensiblement plus plate que ce terrain accidenté et engagé. Pour rejoindre le dernier château à Padern, nous empruntons des sentiers tout fraîchement créés par les organisateurs. C’est une succession de bosses. J’approche du Prieuré de Padern. Et voilà bientôt le Château (en ruine) et les belles ruelles de Padern. Un dernier ravito sur la placette et les derniers 7 km s’offrent à moi. Je vais alterner marche et course, car je viens de passer en mode « off ». Non que cette portion ne me déplaise, mais je n’ai plus trop de jus. Non que j’ai mal géré ma course, mais un trail de 48 km n’est (et ne doit pas être) pris à légère. D’autant que la Course des Seigneurs est un beau morceau.
 
 
Du coup, je profite de ces beaux paysages de vignobles. Ce ces champs caillassés, de ces coquelicots signe de printemps. La toute dernière côte (que nous avons descendue au départ) semble infinie. Que c’est costaud. Je bascule dans la descente, les derniers mètres encouragés par ma famille… et je franchis la ligne d’arrivée, au pied du Moulin de Cucugnan. Un peu plus de 7 heures d’une ballade qui m’a enchanté. J’ai profité, j’ai voyagé. Dans un beau pays, dans mes songes… J’aime me retrouver dans ces belles organisations qui sont pour moi l’occasion de voyager avec les autres et avec moi-même. Un bon repas d’après course… puis un excellent dîner à l’Auberge du Vigneron… nous permettront de profiter intensément de ce séjour en Pays Cathare. 
 
J’en ramène de belles images, de beaux instants, de belles rencontres et de bonnes bouteilles. Bref, encore une fois, c’est un plaisir de prendre part à de telles épreuves. Si bien organisées… que c’est un réel privilège de n’avoir qu’à mettre des baskets pour se laisser guider dans un tel cadre. Un grand merci à tous les organisateurs et à tous les bénévoles pour ce cadeau qu’ils nous ont offert. Plus de 400 participants sur ces Trails Cathares peuvent témoigner de la beauté de ce coin de France. Je pars avec les senteurs de thym, de romarin et de buis. L’accent et les éclats de rire du sud. La lumière du ciel et les sourires des visages. A bientôt, j’en suis sûr… 
 
 
" Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux. C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Les hommes ont oublié cette vérité. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose ". Saint-Exupéry, Le Petit Prince. 
 


23/05/2013
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